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Trafic: les drogues ont la vie dure au Maroc

Depuis plusieurs mois, les saisies de cannabis sur le territoire marocain s'accélèrent. Preuve que la lutte contre les trafiquants de drogues s'améliore. Mais le chemin reste encore long.

Le trafic de drogues a du plomb dans l'aile. Depuis quelques mois, arrestations et saisies se multiplient au Maroc, mais aussi en Algérie et en France. Il n'y a qu'à regarder le bilan de la semaine passée pour s'en rendre compte. Dimanche 19 avril 2009, 90 kilos de haschich ont été trouvés dans une voiture d'un Marocain d'une vingtaine d'année, dans un quartier populaire de Tanger, apprend-on d'une dépêche de la Maghreb Arabe Presse (MAP.) Le même jour, un ressortissant espagnol a été intercepté avec 34 kilos de résine de cannabis dans son véhicule, et un Marocain naturalisé hollandais, avec 14 kilos. Ils embarquaient tous deux vers Algésiras, en Espagne.
Le 14 avril 2009, un communiqué de la MAP annonce la saisie, à Taounate, de plus de 6 tonnes de kif en tige, 1,381 tonne de semences de cannabis, plus de 95,87 kilos de chira, et 46 kilos de tabac. Un gros coup de filet qui se conclut par l'arrestation de 38 agriculteurs.
Le 9 avril 2009, un peu plus d'une tonne de cannabis a été découvert dans un camion, à Argenteuil, dans la banlieue nord de Paris. Toute la marchandise provenait du Maroc.
La liste de rebondissements pourrait être plus longue. Rien qu'au cours des trois premiers mois de 2009, les services de police de l'aéroport Mohamed V ont arrêté 42 trafiquants de  drogue, la plupart d'origine marocaine, en  possession de 15, 309 kilos de chira. Durant l'année 2008, les autorités marocaines ont interpellé 159 agriculteurs et saisi 20 tonnes de kif en tige, 857 kilos de chira, 537 kilos de semences et 40 kilos de tabac.

Des avancées remarquables

Les progrès en matière de lutte contre le trafic de cannabis se chiffrent eux aussi. Même s'il semble que les saisies se multiplient depuis le début de l'année 2009, aucun chiffre global n'a encore été rendu. Le dernier rapport de l'Organe international de lutte contre les stupéfiants (OICS) dresse un bilan pour 2007: les saisies de résine de cannabis seraient passées de 89 tonnes en 2006, à 118 tonnes en 2007; les saisies d'herbe de 60 tonnes à 209.
Concernant les espaces cultivés, un rapport de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) estime leur superficie à 72 500 hectares, en 2005, et évoque une réduction d'environ 40% de 2004 à 2005 (surface estimée à 120 500, en 2004, selon le même rapport.) Mais depuis la publication de cette information, plus aucun chiffre n'a été transmis. Ainsi, l'OICS, dans son rapport global de 2008, invite expressément les autorités marocaines à poursuivre le comptage des surfaces cultivées. Car, le Maroc reste toujours le plus grand producteur de cannabis au monde.

Une stratégie plus internationalisée

Ces chiffres concluants sont le fruit d'une politique de lutte anti-drogue de plus en plus globale. Différentes campagnes sont menées pour lutter contre la prolifération de cultures de cannabis. Pour la prise du 14 avril, à Taounate, par exemple, « un comité provincial et deux autres locaux regroupant les autorités locales, les services de sécurité et le service des eaux et forêts ont été mis en place dans les cercles de Taounate et Ghafsay en vue de mener des visites d'inspection inopinées dans les zones connues par la culture de cannabis », rapporte la MAP.
En juin 2005, le Maroc a mis en place le programme « Provinces sans cannabis » à Larache, afin d'éradiquer le maximum de cultures. Le quotidien Aujourd'hui Le Maroc précise que cette initiative a permis de détruire 4 000 hectares, dont près de la moitié dans le cercle de Ksar El Kébir. Depuis, le gouvernement marocain n'a eu cesse de chercher l'adhésion des populations. Falila Gbadamassi, du site afrik.com, explique que «  les autorités chérifiennes ont procédé à des campagnes de sensibilisation pour aider les cultivateurs de cannabis à se reconvertir dans d’autres activités. » La journaliste affirme également que les peines de prison ont été revues à la hausse: les trafiquants peuvent être condamnés jusqu’à 30 ans de prison et sont passibles d’amendes, comprises entre 200 000 à 800 000 dirhams.
Cette organisation n'est pas le fait du hasard. Elle découle d'une réelle institutionnalisation de la lutte anti-drogue au Maroc. Le gouvernement s'est doté d'une Unité de Coordination de la lutte anti-drogue (UCLAD) et d'une Commission nationale des stupéfiants.

Jacques Barrot, vice-président de la Commission européenne, synthétise l'avancée du pays: « Les efforts du Maroc ont principalement porté sur la mise en place d'unités spécialisées, le renforcement des dispositifs de contrôle et la modernisation des infrastructures sur les frontières maritimes, terrestres et aériennes. » Depuis plusieurs années, le pays travaille avec l'Union Européenne, et avec l'OICS, un organe indépendant chargé de faire respecter les traités internationaux (notamment la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite des stupéfiants et de substances psychotropes.) La collaboration franco-marocaine est également fructueuse: grâce à la coopération entre les deux pays, plus de 4 tonnes de drogue ont pu être saisies en 2008, apprend-on de l'Agence France Presse.
La machine répressive est donc bien rodée. Celle de la prévention, un peu moins. Très peu de campagnes de sensibilisation sont menées dans le Royaume alors que la consommation de drogues, surtout par les jeunes, est en constante augmentation. Peut-on donc espérer une même démonstration de force, en amont?

Séverine Sannom
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