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L'Etat doit-il financer le culte musulman?

Pour remédier au manque de mosquées, Nicolas Sarkozy a proposé de «faire évoluer» la loi de 1905, qui interdit à la République de financer les cultes (lire son entretien). Et le ministre de l'Intérieur, Dominique de Villepin, a opté pour la création d'une fondation destinée à gérer les fonds de l'islam. Mais d'autres solutions sont possibles, ou d'ores et déjà appliquées

C'était une vieille lune, c'est maintenant l' «idée miracle». Si l'Union des organisations islamiques de France (UOIF) donne son feu vert, comme l'escompte Dominique de Villepin, une fondation chargée de gérer les fonds de l'islam verra le jour dès janvier. L'Etat, qui disposera de représentants dans le conseil d'administration, serait ainsi en mesure de contrôler les flux financiers du culte musulman. Rien de plus, rien de moins, affirme-t-on dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, qui a orchestré le projet. C'est déjà beaucoup, estime l'UOIF, qui agite le spectre d'une «nationalisation» de l'islam. Jusqu'où la puissance publique doit-elle intervenir dans l'organisation de ce culte? A l'automne dernier, Nicolas Sarkozy allume la mèche. Dans son ouvrage La République, les religions, l'espérance (Cerf) [voir L'Express du 1er novembre 2004], le président de l'UMP, à qui l'on doit la création du Conseil français du culte musulman (CFCM), propose de «faire évoluer» la loi de 1905. La République «ne salarie ni ne subventionne aucun culte», stipule le texte fondateur. Néanmoins, l'ancien ministre de l'Intérieur estime que l'Etat devrait pouvoir aider financièrement les associations cultuelles qui souhaitent construire des mosquées. Ecorner le dogme républicain? Pas question, réplique Jacques Chirac. Pas question, répète Jean-Pierre Raffarin. Bof, disent les musulmans, qui craignent une mainmise étatique et des surenchères électoralistes.


A un an du centenaire de la loi, la question divise à l'intérieur même des partis, car tout le monde en convient: l'islam, deuxième religion de France, n'est pas logé à la même enseigne sur le plan financier que les autres grandes confessions. La plupart des édifices chrétiens et juifs bâtis avant 1905 appartiennent à l'Etat et aux communes, qui en assument l'entretien. Le culte musulman, lui, ne bénéficie pas du même soutien, puisqu'il ne s'est implanté en France que récemment. Ses lieux de culte sont considérés par la loi comme des lieux privés, qui doivent être entretenus par leurs propriétaires. Une inégalité peu compatible avec la neutralité de l'Etat, qui a pour mission de garantir l'exercice de tous les cultes. Sur le terrain, de fait, la plupart des 1 685 salles de prière et mosquées de l'Hexagone souffrent de vétusté. L'argent de la zakat - l'aumône des fidèles - ne suffit pas toujours à couvrir les frais de construction ou de rénovation. Restent les dons étrangers - notamment ceux des pays du Golfe - dont le montant est impossible à chiffrer, mais qui comportent un risque évident de tutelle idéologique.


La transparence des flux financiers? La fondation s'en chargera, répliquent, optimistes, les contradicteurs de Nicolas Sarkozy. L'égalité de traitement? Des solutions existent déjà dans le cadre même de la laïcité: le bail emphytéotique - la municipalité loue un terrain à une association cultuelle pour une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans - en échange d'une contribution symbolique; la garantie d'emprunt pour la construction ou encore l'exonération des taxes foncière et d'habitation. Des «ficelles» que de nombreux maires connaissent bien pour les utiliser depuis des années. En toute discrétion.


Source: L'Express

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