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Espagne: Des associations menacent de boycott le projet de loi sur l'immigration

"C'est éthiquement inacceptable", par ces termes tranchants, une dizaine d'associations catalanes de défense des immigrés ont réagi au nouveau projet de loi espagnol sur l'immigration qui prévoit des poursuites pénales à l'encontre de toute personne qui accueille ou aide une personne en situation irrégulière sur le sol espagnol.

"Au nom des principes humains et au nom des Droits de l'Homme tels que reconnus par le Droit International, nous manifestons notre rejet total " de ce projet de loi qui prévoit des sanctions, sous forme d'amende pouvant atteindre jusqu'à 10.000 euros, à l'encontre de toute personne ou entité "pour le simple geste de prêter assistance à des personnes en situation précaire comme les immigrés clandestins", s'insurgent ces associations dans un manifeste présenté récemment à Barcelone.

Les immigrés en situation irrégulière sont légion en Espagne. Attirés par les vagues de régularisation massive décidée par l'Etat Ibérique (la dernière en date remonte à 2004), des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes (en l'absence de chiffres officiels), à la recherche d'un lendemain meilleur, ont accouru dans ce pays, séduits par un essor économique des plus prometteurs.

"C'est éthiquement inadmissible", souligne la Plateforme Catalane de défense des droits des immigrés qui regroupe une dizaine d'entités de défense des immigrés et des associations d'immigrés, à propos du projet du gouvernement espagnol de modifier la loi sur l'immigration, dite loi sur les étrangers.

Ces mêmes entités et associations catalanes affichent clairement leur "insoumission" au gouvernement Zapatero: "Nous ne pouvons pas respecter des normes qui sont en totale contradiction avec les principes fondamentaux de l'éthique, et qui fragilisent les Droits Humains tels que reconnus dans le Droit International ainsi que par notre propre constitution", plaident-elles.

Plus concrètement, ces Associations dont les plus connues, Caritas et Justicia i Pau (Justice et Paix), font part de leurs craintes d'une montée de la xénophobie en Espagne. Elles s'élèvent plus particulièrement contre six principaux articles contenus dans le projet de loi sur l'immigration qui doit être bientôt examiné par le Parlement espagnol.

Il s'agit du prolongement de 40 à 60 jours de la période maximale d'internement des immigrés en situation irrégulière, l'interdiction et la pénalisation des aides aux clandestins, les restrictions et le durcissement des procédures de regroupement familial (seule les personnes âgées de 65 ans peuvent prétendre au regroupement familial à condition que leur fils ou fille justifie de cinq années de résidence régulière en Espagne), les limitations du droit à l'enseignement et enfin la clause sur les clandestins d'âge mineur.

L'Espagne, considérée jusqu'à tout récemment comme l'un des pays les plus tolérants en matière d'immigration, a changé radicalement de position et commencé à donner des signes de durcissement de sa politique en la matière, en annonçant la modification de sa loi sur l'immigration qui ressemble étrangement à celle adoptée par la France.

Mais, rétorquent les détracteurs du projet, les immigrés ne doivent pas être sacrifiés sur l'autel de la crise économique.

"L'Espagne ne peut pas fermer le robinet de l'immigration du jour au lendemain. Elle doit être conséquente avec sa politique d'immigration suivie ces dernières années et ne pas sacrifier les travailleurs immigrés sur l'autel de la crise économique": c'est le cri lancé par des associations d'immigrés d'Amérique Latine qui viennent de démarrer une campagne de défense des Droits de cette catégorie fragilisée: "Tous des immigrés".

Les ONG de défense des Droits de l'Homme sont également montées au créneau pour dénoncer la nouvelle politique migratoire de l'Espagne. Amnesty International section-Espagne a averti le gouvernement espagnol qu'il ne pouvait pas faire marche arrière en matière de droits des immigrés par le biais de la réforme de la loi sur les Etrangers et la modification du code pénal.

Autre décision du gouvernement espagnol qui a suscité un tollé au sein des associations d'immigrés et de défenseurs des droits humains, celle relative à la réduction des subventions accordées à l'immigration.

Le ministère espagnol du travail avait annoncé récemment la réduction des fonds alloués aux communautés autonomes pour financer les politiques d'intégration des immigrés, en raison de la crise économique. Ces fonds passent de 200 millions débloqués en 2008 à 141 millions pour l'année en cours. La Catalogne voit sa part réduite de 13 millions d'euros, passant de 43 millions d'euros en 2008 à 30 millions en 2009.

Selon le secrétaire Catalan à l'Immigration, Oriol Amoros, Les financements destinés aux politiques d'intégration se trouvent "menacés" en Espagne après la décision du Conseil des ministres espagnol de réduire de 30 pc les Fonds d'aide aux Communautés autonomes dans cette rubrique.

"Ce serait une erreur de changer le mode de financement des politiques d'immigration car la grande majorité des immigrés resteront en Espagne en dépit de la crise", affirme M. Oriol Amoros, en soulignant que " si l'arrivée de nouveaux immigrés a baissé drastiquement, le retour vers les pays d'origine n'a pas augmenté de façon significative".

Créés en 2005, les Fonds d'aide à l'accueil et à l'intégration des immigrés sont considérés comme un élément prioritaire de la politique d'intégration des immigrés, développée jusqu'à récemment par Madrid en tant qu'instrument de coopération entre les différentes régions autonomes du pays.

La moitié des ces Fonds est destinée aux programmes d'accueil et d'intégration des immigrés. Quant à l'autre moitié, elle est consacrée au financement de l'effort d'éducation que fournissent les Communautés Autonomes pour l'intégration des enfants d'immigrés dans le système scolaire espagnol.

"On ne peut pas réduire ces aides, surtout en ce moment où la cohésion sociale se trouve en situation de tension en raison de l'actuelle crise économique", a averti le responsable catalan, soulignant que les Fonds d'aide aux communautés autonomes sont destinés en premier lieu à favoriser la cohabitation entre immigrés et autochtones.

Jalila Ajaja
Source: MAP

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