Ce n'est qu'un début, mais le gouvernement espagnol l'estime encourageant : 256 immigrés inscrits au chômage ont profité du plan de retour proposé par le gouvernement espagnol lors de la première semaine de sa mise en oeuvre, à la mi-novembre. Plutôt que de les indemniser pendant deux ans, Madrid offre aux chômeurs étrangers de toucher la totalité de la somme en deux fois : 40 % immédiatement et les 60 % restants à leur arrivée dans leur pays d'origine. En échange, les bénéficiaires de cette aide au retour s'engagent à ne pas revenir en Espagne dans les trois ans.
Les autorités estiment que le succès de l'initiative ira en grandissant avec le lancement prochain de la campagne d'information "Si tu penses à rentrer...". L'ampleur de la crise économique espagnole, qui se traduit par un chômage de masse (les experts redoutent 4 millions de chômeurs en 2009), a déjà convaincu beaucoup d'immigrés de prendre un billet de retour via le plan classique que gèrent huit ONG : billet d'avion gratuit et aide de 400 euros. Sur les huit premiers mois de l'année, par exemple, le bureau des migrations du gouvernement équatorien à Madrid a enregistré plus de départs volontaires que pendant toute l'année 2007.
Le nouveau dispositif d'aide au retour pour les étrangers régulièrement inscrits au chômage pourrait ne viser que 10 000 à 20 000 personnes sur les 339 200 chômeurs étrangers recensés en octobre.
Seuls 20 pays hors Union européenne et ayant des accords bilatéraux avec l'Espagne sont concernés. Il s'agit surtout de pays latino-américains. Hormis le Maroc et la Tunisie, l'Afrique est exclue. "De toute façon, cela ne pourrait pas m'intéresser, explique Vincent, un chômeur d'origine malienne qui vit à Madrid depuis six ans. J'ai acheté mon appartement avec ma copine. Je suis coincé par le crédit, que d'ailleurs je ne peux plus rembourser depuis deux mois."
De nombreux chômeurs latino-américains, bien insérés depuis des années, sont dans la même situation : ils sont bloqués en Espagne par leur endettement, et ils n'ont plus les moyens d'envoyer de l'argent au pays. Or, explique le quotidien El Mundo, les sommes envoyées par la diaspora latino-américaine dans le monde représentent 60 à 80 milliards de dollars, soit le PIB de la Bolivie, du Nicaragua, de l'Equateur et du Costa Rica réunis. Les Boliviens d'Espagne contribuent ainsi pour 9,9 % de la richesse de leur pays.
La porte de sortie est encore plus hypothétique pour les dizaines de milliers de clandestins qui évoquent parfois l'impossible retour, à l'instar de cet Ivoirien de 24 ans, passé il y a deux ans par Marseille avant de galérer du côté d'Alicante : "Mon pays est mieux que l'Espagne. S'il n'y avait pas la guerre, j'y retournerais."
Jean-Jacques Bozonnet
Source: Le Monde