L'enquête du HCP met en évidence la vulnérabilité de la population âgée. Faiblesse du système de retraite, manque de couverture médicale...une situation qui risque de peser lourd sur l'équilibre socio-économique du pays.
Triste contat. Le Haut commissariat au plan a présenté hier à Rabat les résultats de l'enquête nationale menée en 2006 auprès de 3.000 personnes âgées de 60 ans et plus. Les chiffres et les données rendus publics sont même alarmants, une situation qui n'augure rien d'exaltant d'ici 2030, année à laquelle l'effectif des personnes âgées est estimé, selon les projections du HCP, à 5,8 millions, soit 15,4% de la population totale, aul ieu de 8% en 2006. Quel est le profil de cette population et quelle place occupe-t-elle actuellement dans le paysage social marocain? L'étude, réalisée pour évaluer le poids de ce pan de la société sur l'équilibre socio-économique du pays, révèle que 52,4% de cette population résident en milieu urbain. Les femmes représentent 52,2% contre 47,8%d'hommes.L'analphabétisme est encore très répandu chez les Marocains et Marocaines âgées. Malgré les efforts d'alphabétisation déployés par le Maroc en faveur des adultes, 83% des personnes âgées ne savent ni lire ni écrire. La majorité de ces personnes (92%) est issue du milieu rural et les femmes sont les plus touchées avec 94,5%. Pis encore. 50% de ceux qui auront plus de 60 ans en 2030 n'ont aujourd'hui aucun niveau d'instruction.
Une situation qui risque de peser lourd sur les indicateurs de développement du Maroc. Par ailleurs, il ressort de l'étude que les hommes âgés se marient, même à un âge très avancé, avec des femmes beaucoup plus jeunes et se remarient plus que les femmes. 90,1 % ont encore leur conjointe parmi les 70-74 ans et 83,3 % parmi les 75 ans et plus. En revanche, les femmes finissent leur vie plus fréquemment seules en tant que veuves. 60,3% des femmes âgées entre 70 et 74 ans souffrent de cette situation. Par ailleurs, selon le département d'Ahmed Lahlimi, la santé de nos «vieux» et «vieilles» est très inquiétante. La majorité souffre de maladies chroniques nécessitant un traitement prolongé. Faute de moyens financiers, 62,8% des femmes et 55,1% des hommes malades n'accèdent pas aux soins de santé. Le manque de couverture médicale aggrave leur situation précaire. 86,7% des personnes âgées n'ont aucune couverture médicale, dont 77,6% dans l'urbain et 96,8% dans le rural. L'enquête confirme également la faible couverture par le régime de retraite. Alors que la couverture sociale des personnes âgées s'étend à toute la population dans certains pays développés, de nombreuses franges en sont exclues dans les pays en développement, se limitant, principalement,à une partie des ex-salariés et leur famille. Selon les données de l'enquête, 16,l%des Marocains de 60 ans et plus ont déclaré recevoir une pension de retraite. Les femmes sont les plus pénalisées par ce système. A peine 3% de femmes en bénéficient contre 30,4% des hommes.
Face au faible rôle des institutions spécialisées de protection sociale, la majorité des Marocains âgés sont pris en charge par la famille. 77,5% de cette population reçoivent une aide matérielle de leurs proches, notamment de leurs enfants. Cependant, les enquêteurs soulignent que la solidarité familiale n'est plus à sens unique. Les personnes âgées aident également à leur tour la famille : 46,9% de personnes sont plutôt des pourvoyeuses d'aides, en espèce ou en nature, avec 65,9% pour les hommes et 29,5% pour les femmes. 60,6% des femmes âgées participent aux travaux domestiques. En somme, ces données mettent en évidence la fragilité de cette population. Le HCP souligne l'urgence de mettre en œuvre dès à présent, des politiques de nature à faciliter la transition vers une société vieillissante où vivent plusieurs générations, ayant chacune la place qui lui revient. Sachant que la proportion des moins de 15 ans passerait de 31% en 2004 à 24,1% en 2020 pour chuter à près de 20,9% à l'horizon 2030, Ahmed Lahlimi recommande de renforcer l'investissement dans l'éducation-formation pour favoriser l'insertion des jeunes dans le marché de l'emploi. A noter que les personnes considérées comme jeunes aujourd'hui seront des vieux en 2030. Pour Ahmed Lahlimi, la solidarité familiale ne doit pas se substituer à l'action publique.