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Les policiers marocains ont-ils la gâchette facile ?

Nos policiers savent-ils réellement user de leurs armes à feu ? S'agit-il toujours d'un cas de légitime défense quand un agent des forces de l'ordre tire sur un suspect ? Début de réponse.

En quelques semaines, deux cas de tirs au pistolet par des policiers en situation de «légitime défense» ont défrayé la chronique. Le lundi 13 octobre, dans le quartier chaud Lalla Meriem à Casablanca, Abdelhadi K. est abattu d'une balle dans le torse par des éléments de la police judiciaire. L'individu aurait attaqué les policiers avec une arme blanche, ne leur laissant d'autres choix que de lui tirer dessus. Quelques semaines auparavant, même topo à Salé. Un autre trafiquant de drogue, surnommé «Al Wahch» (le monstre) est également tué par balle. «C'est clairement des bavures. Qu'est-ce qui leur a pris d'envoyer une petite patrouille arrêter un criminel au beau milieu de son fief ? Il aurait fallu le filer et l'arrêter à un moment plus opportun. Les petits détaillants de drogue ont leur réseau, qui les avertit d'une intervention policière. Ils se barricadent dans leurs maisons et sont couverts par leur entourage pour qu'ils s'échappent via les toits», explique une source policière (anonyme) à Rabat. De plus, le policier ne pouvait-il pas faire autrement que viser le torse ? Selon le règlement interne de la police, il doit procédé à des tirs de sommation avant d'en arriver là. Selon l'alinéa 3 de l'article 124 du code pénal, on ne peut parler de légitime défense que si «la défense est proportionnelle à la dangerosité de l'attaque». En d'autres termes, un agent de sûreté ne peut tirer qu'en dernier recours, sachant que la loi et le règlement sont très stricts en la matière. Selon Me Mohamed Akdim : «Si la légitime défense n'est pas avérée, le tribunal peut conclure à l'homicide involontaire. Dans ce cas, le prévenu peut écoper de 10 à 20 ans de prison». Bien sûr, des circonstances atténuantes existent, comme dans le cas des policiers impliqués dans l'affaire AbdelhadiK. ïïs pourraient écoper d'un ou deux ans de prison, vu la manière avec laquelle ils ont été attaqués.

Mais à l'origine du problème, il y a d'abord la formation des policiers. A l'Institut royal de police (IRP), les futurs agents de sûreté reçoivent des cours théoriques sur le maniement des armes, leur démontage, nettoyage, etc. Mais ils n'apprennent à tirer avec... que lors des trois derniers mois de leur formation. Pire, après leur sortie d'école, ils n'ont plus l'occasion de s'entraîner dans des stands de tir. Après les études, chaque policier reçoit son uniforme, tous les accessoires qui vont avec, ainsi qu'un pistolet avec deux chargeurs et 25 balles, tes munitions sont rarement remplacées. Elles peuvent rouiller, la poudre qu'elles contiennent peut se détériorer, etc. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui peuvent expliquer les «pannes» survenues dans les armes de certains agents au lendemain des attentats de Hay Farah à Casablanca.

Autre crainte que vivent continuellement les policiers marocains : perdre une balle. Ça arrive plus souvent qu'on ne le pense. La plupart des policiers n'en mettent que deux ou trois dans leur chargeur. Le reste est gardé en sécurité à la maison. Selon ce policier casablancais : «Il arrive qu'on en perde une en déménageant par exemple. Dans ce genre de situation, certains empruntent une balle à un collègue par exemple ou se débrouillent autrement». En matière d'armes, les agents des forces de Tordre ne sont en plus pas égaux. Si la garde royale bénéficie, en plus de Parme de service conventionnelle, d'un pistolet mitrailleur «uzi», les femmes policières elles... ne reçoivent aucune arme à feu ! Pire, les fonctionnaires du bas de l'échelle n'en disposent pas également, alors qu'ils sont amenés à intervenir dans des situations parfois délicates. «Quand le directeur général de la sûreté nationale est venu au chevet des policiers qui ont tiré sur le trafiquant de drogue, c'était plus une opération de com ' qu'autre chose. La police sait qu'elle a intérêt à agir de la sorte. Autrement, la gronde à l'intérieur de la police va monter. Nous n'avons pas les moyens matériels de faire face au danger», se désole notre source. Finalement, porter une arme est bien plus problématique qu'autre chose pour nos policiers.

Zakaria Choukrallah
Source: Le Soir Echos

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