Les chiffres sur la mendicité sont accablants. Moins d'un point de vue quantitatif que dans la sphère comportementale des protagonistes. On les retrouve partout : Feux rouges, entrée des mosquées, écoles, restaurants, bus. Certains vont même jusqu'à user du porte à porte. Les techniques, elles, sont tout aussi variées. Difficile donc dans ce contexte d'établir la part des choses, d'autant plus que les histoires de mendiants millionnaires ne manquent pas.
Selon l'étude du Ministère du développement social, il existerait 196.000 mendiants dont environ 120.000 « professionnels », autrement dit, qui exercent la mendicité comme un véritable métier. Pour ces deux catégories, la moyenne des gains journaliers serait de 300 DH. Un montant pouvant grimper jusqu'à 700 DH pour certains. Mieux qu'un salaire de cadre...
Sur un échantillon de 3400 mendiants sondés, 62.4% sont des mendiants professionnels. Les femmes représentent plus de 51% des mendiants au Maroc. Les régions Rabat-Salé-Zemmour-Zaer et Gharb- Chrarda- Beni Hssen apparaissent comme les plus touchées avec une part avoisinant les 22%, suivies de celle du Grand Casablanca avec près de 18%. La région de Chaouia-Ouardigha-Abda Doukala est celle où l’on mendie le moins : 7%.
Les mendiants mariés et âgés de 40 à 59 ans représentent près de 35% de cette population. Ceux âgés de 18 ans et moins représentent plus de 11%. L’enquête révèle également que plus de 66% des mendiants sont analphabètes. 70% ont déjà exercé un emploi. Même d'anciens fonctionnaires se convertissent à la mendicité. Ils seraient 1%.
Premier point noir pour l'Etat : L'exploitation des enfants
L’enquête menée par le ministère du Développement social, de la famille et de la solidarité a aussi permis de relever l’existence de trois niveaux de mendicité : la mendicité professionnelle, la mendicité exploitant autrui (enfants, personnes âgées) ou un handicap et la mendicité de nécessité. Elle a surtout pointé du doigt l’organisation des mendiants à travers des réseaux. C’est dans ce cadre qu’il a été déterminé qu’à Casablanca, par exemple, une personne dirigerait 27 équipes de mendiants : 13 à Casablanca, 8 à Rabat, 2 à Settat, 1 à El Jadida, 1 à Mohammedia et 1 à Berrechid.
La pauvreté est citée en premier dans les causes qui poussent à la mendicité pour plus de 51% des sondés. Pour le reste, ce sont plus le handicap, la maladie ou le manque d’opportunités d’emploi qui sont évoqués.
La maladie et le manque d'opportunités d'emploi sont les causes les plus évoquées
Au niveau de la population, la méfiance est palpable. « La situation diverge. Certains méritent d'être aidés, d'autres en ont fait un véritable métier. Personnellement, je préfère donner aux femmes âgées. Ce qui me rebute, ce sont celles qui trimballent avec elles des enfants », explique ce banquier casablancais. Certes, aux yeux d'une grande partie de la population, la plupart de ces enfants sont « loués » aux mendiants.
Les données révélées par le centre social de Tit Mellil montrent qu’à Casablanca, les mendiants professionnels exploitent 344 personnes. Parmi ces victimes, des bébés, des mineurs, des personnes âgées, des non voyants, des malades mentaux,… « C'est simple. Quand je vois une femme mendier avec un enfant, je sens l'arnaque », affirme cette informaticienne. De plus, il apparaît que plusieurs mendiantes s’adonnent à cette activité avec leurs enfants à l’insu de leurs maris. « C'est une question compliquée. Nous avons beaucoup d'argent ailleurs, pourquoi ne pas l'investir pour pallier à ce phénomène ? Ce que je vois surtout, c'est que c'est un problème social qui aura des conséquences économiques sur notre pays. »
Au regard de la législation, ces rebuts de la société sont considérés comme des hors la loi. Selon les articles 326 et 328 du Code pénal, toute personne qui se livre à la mendicité est punie d'une peine d'emprisonnement allant de 1 à 6 mois, et de 3 mois à 1 an si elle exploite des enfants âgés de moins de treize ans. Cependant, la division de lutte contre la pauvreté et l'exclusion essaie d'agir dans un cadre purement social. Le recours à la justice n'est envisagé qu'en cas de récidive.