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Mohamed Ezzouak, le MRE qui a lancé Yabiladi.com

Le regard vif, le verbe facile, un débit très rapide. En écoutant Mohamed Ezzouak, ce MRE de trente ans, raconter quelques pans de sa vie, on a l’impression qu’il met les bouchées doubles pour ne rien rater.

C’est si important pour lui de communiquer à ses concitoyens sa rage de réussir, lui le créateur de yabiladi.com, le portail orienté vers les communautés marocaines résidant à l’étranger, qui connaît une réussite fulgurante.

Il aurait pu, comme des milliers de Maghrébins de son âge ayant suivi leurs pères ouvriers en France, y rester. Soit pour y travailler après avoir terminé leurs études, soit pour renforcer les rangs de ces dizaines de milliers de fils d’immigrés qui sombrent dans la marginalité et la délinquance.

Lui, Mohamed, a choisi par conviction de retourner dans son pays pour y faire carrière. Cet aîné de six frères et sœurs, né à Taounat en 1977, rejoignit, à deux ans, son père, à Oyonnax (dans le département de l’Ain), une petite ville réputée en Europe pour ses usines de plasturgie. Une enfance calme, plutôt heureuse, quoique la famille soit d’un niveau social modeste (le père touche un peu plus que le Smic), dans une «zone urbaine prioritaire» (ZUP).

Garçon doué pour les matières scientifiques, il dévorait les livres sur le Maroc et son histoire. Il voulait tout connaître de ce pays dont il ignorait presque tout, même s’il y venait chaque année, pour y découvrir que les enfants de son âge, dans son patelin, étaient majoritairement pauvres et n’avaient pas tous les moyens d’aller à l’école.

40 000 visiteurs par jour, un million par mois en 2008
Une des raisons qui l’ont incité à revenir au Maroc fut le racisme. Il arrivait en effet qu’à Oyonnax, le Front national fît des scores importants aux élections. C’est dire qu’il régnait dans cette ville un climat d’hostilité à l’égard des étrangers, alimenté par la propagande xénophobe de l’extrême droite.

«Quand j’allais à la poste, c’était comme si j’allais demander l’aumône, tellement le racisme était fort», se rappelle Mohamed. Et cela lui faisait si mal que l’option de rentrer au pays pour y faire carrière commençait à s’imposer à lui avec évidence alors qu’il était encore étudiant.

L’idée même d’y suivre un cursus universitaire après son bac, obtenu en 1995, l’effleura un temps, mais, faute de visibilité, il l’abandonna au profit d’une université lyonnaise.

Son chemin croisa, alors qu’il venait de décrocher sa maîtrise en économétrie, un directeur de thèse qui l’orienta vers un DESS en informatique décisionnelle. Une rencontre décisive. Et un choix judicieux qui lui ouvrira grandes les portes du marché du travail, juste après l’obtention de son diplôme, en 2002.

Toujours dans l’informatique décisionnelle, il travailla d’abord chez Assurance Générale de France (AGF), puis au laboratoire pharmaceutique Aventis et chez Axa Assurance, avant d’intégrer le secteur bancaire.

Ses loisirs ? Surfer sur Internet, ce monde virtuel qui rapproche les populations des quatre coins du monde sur un simple clic. Un jour, il se dit «pourquoi pas un média destiné aux Marocains vivant à l’étranger ?» En suivant un jour l’émission «Biladi» diffusée sur la RTM canal satellitaire, un sentiment de malaise le saisit. «Une émission statique, sans âme, sans interaction, loin des préoccupations des MRE. Je ne m’y suis pas reconnu».

Cette émission le déçut au plus haut point. Quand ses collègues partent chez eux en fin de journée, Mohamed reste alors au bureau, scotché devant son PC pour se documenter et apprendre comment se façonne un site. Après plusieurs essais, et des nuits blanches, yabiladi.com est né.

On est en mars 2002. Une première version du site, plutôt sommaire, avec une revue de presse consistante, est disponible pour les communautés marocaines de l’étranger. Il ressentit un immense bonheur quand il reçut les premières félicitations.

D’une dizaine de visites par jour au démarrage, le site est passé à quelques centaines, pour atteindre 40 000 visiteurs par jour six ans plus tard. Soit un million de visiteurs par mois. En termes d’images vues, le chiffre est aujourd’hui de 12 millions mensuellement.Une machine extraordinaire qui a permis aux Marocains des cinq continents d’établir un lien, de se rapprocher, et d’apprendre sur leur pays plus ce qu’ils n’avaient pu en apprendre dans la famille.

Le portail sera classé, après Menara, deuxième en terme de nombre de visiteurs. «On se dépensait comme des fous pour réussir l’expérience, avec des moments de pression intenable et des moyens dérisoires», reconnaît Mohamed, un homme plutôt serein et calme, qui prend la vie avec philosophie. Nombre de Marocains ont ainsi pu faire leur mise à niveau sur les réalités marocaines grâce à ce portail, des jeunes et des moins jeunes.

«Il a constitué un pont entre les deux rives, pour paraphraser le titre d’un ouvrage de Zakia Daoud»(*), se félicite-t-il.

Le sommet est atteint en 2004, à l’occasion du chat entre des milliers de MRE et leur ministre, Nezha Chekrouni. Des internautes, où qu’ils soient, se sont mis à lui poser des questions, en direct. Ce fut une première. Tous les sujets y furent abordés. Ils ont permis aux Marocains de dire ce qu’ils avaient sur le cœur. L’expérience s’est poursuivie, un peu plus tard, avec Nass El Ghiwane, Ahmed Bouchnak, Saïd Naciri, Choumicha...

yabiladi.com a ouvert l’appétit de Mohamed qui s’est installé à son compte, au Maroc, comme il l’avait toujours souhaité. Web Stratégie, la société qu’il a créée, en janvier 2007, gère désormais le portail et travaille à assurer son développement. Elle met au point d’autres portails maroco-marocains : un portail vidéo (Babrio.com) et un annuaire de sites marocains (top-maroc.net).

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Jaouad Mdidech
Source: La Vie Eco

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