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Ecoles étrangères ou l'éternel succès au Maroc

Juan Ramon Jiménez, Lyautey, Maimonide, Massignon, Victor Hugo, George Washington… autant de noms de célébrités françaises, espagnoles et américaines sont attribués à des établissements scolaires dits de la «mission».

Au Maroc, ils sont plus d'une quarantaine d'établissements qui dispensent un enseignement étranger basé sur l'apprentissage de différentes langues et cultures. Un apprentissage qui a trouvé ses adeptes depuis des décennies dans notre pays.

En effet, le réseau des établissements scolaires d'enseignement français au Maroc est, sans conteste, le plus dense au monde. Il scolarise plus de 23.600 élèves, dont plus de 60% sont Marocains, dans des établissements à travers les principales villes du Maroc.
Cet enseignement est homologué par le décret 93-1084 (9 septembre 1993) du ministère de l'Education nationale français.

«De nos jours, inscrire son enfant dans une école étrangère relève de l'exploit ! Les postulants doivent être de «bon poids» pour pouvoir y adhérer. Surtout si l'on sait que toutes les «noblesses» politique, culturelle et économique du pays se bousculent pour inscrire leurs enfants dans les écoles de la mission», témoigne Najlàa, maman de deux garçons. D'ailleurs, c'est là où réside toute la question ! Suffit-il vraiment d'inscrire son enfant dans une école étrangère pour assurer l'avenir du petit ?

«Ce sont la qualité du service éducatif et le système de reproduction de l'élite qui font la renommée de l'école étrangère. C'est pour cette raison donc que mes trois enfants y sont inscrits», témoigne Yassmina, cadre dans une multinationale.

Elle poursuit : «A mon sens, cet enseignement a gagné les faveurs du public parce qu'il propose une alternative intéressante à la «faille engendrée» par l'enseignement public marocain. L'absence de confiance dans les institutions locales explique aussi ce choix pour ces écoles élitistes».

D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si l'on sait qu'une partie non négligeable de population vient s'ajouter à ces adeptes, il s'agit des nouveaux riches qui veulent assurer à leurs petits un avenir meilleur, et ce, en dépit des frais de scolarité qui sont relativement élevés.

Mais où réside l'essence de cette peur du système éducatif national ? Et qu'est-ce qui explique l'engouement des Marocains «aisés» pour les écoles de la «mission» ? La réponse nous vient de la spécialiste en psychologie Loubna Belmajdoubi : «Nous vivons dans un monde d'apparence. On a peur pour nos enfants. Chez certaines personnes, faire partie de l'élite, d'une façon ou d'une autre, sera l'incontournable issue», dit-elle. Quant à l'engouement des Marocains pour les écoles de la «mission», notre spécialiste déduit ce qui suit: «C'est tout simplement une forme de mobilité d'une génération pour pouvoir assurer une scolarité prometteuse dans un contexte social en pleine mutation.

Les parents veulent assurer une vie meilleure à leurs enfants. Une vie différente de celle qu'ils ont vécue… Car ils ont leurs propres convictions relatives au mot ELITE».

La «mission française»
Le réseau des établissements scolaires d'enseignement français au Maroc est, sans conteste, le plus dense au monde. Il scolarise plus de 23.600 élèves, dont plus de 60% sont Marocains, dans des établissements à travers les principales villes du Maroc.

Cet enseignement est homologué par le décret 93-1084 (9 septembre 1993) du ministère de l'Education nationale français : les établissements sont ouverts «aux enfants de nationalité française résidant hors de la France, auxquels il dispense un enseignement conforme aux programmes, aux objectifs pédagogiques et aux règles d'organisation applicables en France dans les établissements de l'enseignement public». Pour chaque niveau homologué, la scolarité est assimilée à celle effectuée en France dans un établissement public.

Pour prendre en compte le contexte local (langue, culture), des modalités particulières de mise en oeuvre des programmes et objectifs pédagogiques sont bien aménagées. Chaque année, la Direction de l'enseignement scolaire du ministère de l'Education nationale publie au Journal officiel la liste des établissements scolaires étrangers et leurs «niveaux d'enseignement homologués», en accord avec le ministère des Affaires étrangères.

A la recherche de la qualité
La déduction est donc là : les Marocains font tout pour éviter le système éducatif national. Ils inscrivent donc leurs petits dans les différents établissements privés, petites écoles, grandes institutions ou celles de la «mission». Devrions-nous admettre leurs prétextes ? «C'est que… je veux éviter à ma fille le contact avec certains élèves turbulents, je veux qu'elle maîtrise d'autres langues. Et surtout j'ai peur que ma fille ne soit pas bien surveillée et qu'elle fasse l'école buissonnière.

En l'inscrivant dans une institution privée, les responsables s'engagent à m'avertir lors de chaque absence et à la moindre baisse des notes. En plus, il faut avouer que la qualité des programmes est différente de celle proposée dans le système de l'enseignement public». Ainsi et de première vue, il paraît que c'est la qualité de l'enseignement dispensé dans les institutions de la «mission» et sa réputation de «producteurs d'élites» qui poussent les uns et les autres à frapper à toutes les portes pour y inscrire leurs enfants. Sauf qu'un autre argument explique les choses : «Il est vrai que cet enseignement a gagné les faveurs du public. Mais il faut savoir que nos citoyens font confiance, sans hésitation, à tout ce qui est étranger. L'absence de confiance et le manque d'assurance par rapport aux produits et aux institutions locaux, ainsi que le contexte critique qui les anime sont des indicateurs explicatifs de cette tendance», précise le sociologue Abdelkrim Belhaj.

Et d'ajouter: «C'est ce doute qui pousse les parents à verser annuellement une somme importante d'argent pour s'offrir ce luxe. En fait, ils pensent qu'ils assurent l'avenir de leurs petits». Par ailleurs, ces parents d'élèves se retrouvent inconscients de l'influence que peuvent exercer les écoles de la «mission» sur leurs enfants. En fait, à force de fréquenter ces écoles étrangères et en l'absence d'une éducation familiale solide, les notions changent, les principes divergent et une autre éducation s'impose. Ceci risque-t-il de faire perdre à notre société ses propres valeurs ?

«Certes, il y a un risque encouru pour notre identité, notamment chez les jeunes qui restent vulnérables aux influences que l'Occident peut exercer par différents moyens. La période des apprentissages représente donc une opportunité considérable quant à l'inculcation des valeurs et des modèles de conduite et de personnalité», explique notre sociologue. Néanmoins, notre culture dispose de plusieurs capacités inébranlables quant à la préservation et l'immunisation des valeurs. «Seulement, ce sont les agents socialisateurs, en l'occurrence la famille et l'école, à qui revient la responsabilité de faire valoir ces capacités ou non», conclut A.Belhaj.

Rajaa Kantaoui
Source: Le Matin

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