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L’échec de l’Islam marocain en France

Le Maroc est partagé par un souci de non ingérence dans la gestion de l’islam en France et celui de sa propre image, largement écornée depuis les attentats du 11 septembre. En contrôlant le Conseil du culte mususlman en France, il pensait pouvoir résoudre l’équation. Deux ans plus tard, c’est l’échec.

Ya-t-il une stratégie d’implantation d’un islam officiel marocain au sein des communautés marocaines à l’étranger ? La réponse est assurément négative. « L’effort d’encadrement marocain se limite à quelques actions ponctuelles initiées par le ministère des Habous et et des Affaires islamiques. Des rencontres ont eu lieu avec des imams résidant à l’étranger pour évaluer leurs besoins », souligne, à Rabat, ce fonctionnaire au ministère délégué chargé de la Communauté marocaine à l’étranger. Que ce soit au sein des différents ministères de tutelle ou de la Fondation Hassan II, c’est un silence gêné qui ponctue les questions sur cet accompagnement qui devient nécessaire et même urgent.

Surenchères
L’assassinat du réalisateur hollandais Théo Van Gogh par un ressortissant marocain a mis à jour l’incompréhension et le paradoxe de cette Europe qui souhaite intégrer ses immigrés, en étiolant les liens avec les pays d’origine et qui demandent la rescousse de ces pays pour juguler un islam de moins en moins cernable pour les occidentaux. Le commissaire européen Frits Bolkestein avait même, lors d'un débat télévisé sur la troisième chaîne publique néerlandaise, sommé le « Roi du Maroc de se prononcer contre l'extrémisme musulman » et montrer clairement que son pays « ne veut pas être un exportateur d'assassins ». La réponse du ministre délégué aux Affaires étrangères Taïeb Fassi Fihri n’en sera pas moins paradoxale : « le commissaire européen devrait plutôt », s'interroger sur les raisons d'un développement, dans son pays, d'un islamisme radical, étranger à la culture et aux valeurs du Maroc.

Le maintien du lien
Paradoxale parce que d’une part l’on maintient contre vents et marées un lien entre le Maroc et ses immigrés à coups de Fondation Hassan II, campagne de pub et autres encadrement associatif aux relents archaïques (les fameuses amicales). Un lien sonnant et trébuchant (les transferts des RME constituent la principale entrée en devises du pays). Et de l’autre on attribue les dérives idéologiques de cette communuauté au pays hôte. Le Maroc est en fait partagé par un souci de non ingérence dans la gestion de l’islam de pays étrangers et celui de sa propre image largement écornée depuis les attentats du 11 septembre. De Zacarias Moussaoui à Mounir Motassadeq (cellule de Hambourg), en passant par les Zougam et Chaoui( attentats de madrid), chaque semaine allonge la liste fournie de Marocains résidents à l’étranger convaincus de participation à des actes terroristes. La riposte dans un premier temps a été politique, l’exemple le plus flagrant concerne le contrôle du Conseil du culte musulman de France à travers la FNMF une fédération d’obédience marocaine… sous le regard bienveillant et la participation active du ministère de l’Intérieur français ( voir artcle page XX). L’islam modéré marocain devait donner le « la » à lévolution de l’islam français. Or cet islam de « bon père de famille » n’a pas vu le jour et c’est au contraire l’islam tablighi et transnational qui foisonne dans les banlieues françaises ( voir reportage page XX). C’est un echec flagrant de la FNMF et de ses soutiens marocains.

Echéances éléctorales
Les prochaines élections du CFCM sont prévues en avril 2005. Leur approche met en convulsion les principales fédérations et obédiences en France. Ces dernières ne sont pas sûres de sauvegarder les résultats de 2003. En effet, les lieux de culte musulmans en France sont mieux informés sur le processus de représentation, les modalités des élections et les enjeux qui se cachent derrière. Et si l’émergence d’un pôle autonome qui se réclame d’un islam de France, loin des influences de l’islam politique et des pays d’origine ne verra pas le jour de sitôt, cela voudra dire que le contrôle de l’islam de France aura pour issue, encore une fois, un duel algéro-marocain. Une défaite dans cette bataille permettrait aisément aux Algériens de pointer du doigt le néofondamentalisme marocain des banlieues. Dans ce contexte international islamophobe tendu, le Maroc n’en a pas besoin.

Younès Alami & Catherine Graciet
Source : Le Journal Hebdomadaire

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