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Mohamed Bougrine refuse la grâce royale

Mohamed Bougrine n'a rien perdu de sa verve. Dans une interview accordée à nos confrères d'Al Massae au lendemain de sa sortie de prison, le plus vieux détenu politique au Maroc livre un diagnostic cru mais criant de vérité de la situation politique et sociale du pays.

Mais avant, il nous apprend qu'il refuse d'être gracié parce qu'il n'a commis aucun crime, dit-il. «J'aurais préféré rester en prison et pouvoir me défendre en appel, afin de pouvoir prouver mon innocence. Mais on ne m'aurait pas laissé le faire, raconte Mohamed Bougrine. Ils ont voulu fermer dans l'urgence un dossier encombrant à plus d'un titre», conclut-il. Mais ce n'est pas gagné pour autant. Bougrine annonce la création, dans les prochaines semaines, d'un comité de la honte. Une structure censée regrouper plusieurs acteurs associatifs, avocats, militants des droits de l'homme et des journalistes. «Il ne faut plus accepter qu'on bafoue nos droits aussi simplement. Les Marocains doi­vent désormais agir pour ne pas laisser pourrir la situation, Entre la hausse des prix, l'aggravation du chômage et l'insécurité ambiante, je me demande où va le pays», affirme Bougrine, depuis sa maison à Beni Mellal.

Le prisonnier des trois rois revient également sur ses conditions de détention. Lui qui est passé par plus d'un pénitentiaire sur trois décades se dit choqué par les conditions d'incarcération actuelles. «Imaginez que dans une prison qui compte des centai­nes de prisonniers, vous ne trouvez pas un simple stylo à bille alors que d'autres catastrophes circulent librement entre les détenus», explique-t-il avant de poursuive : «Le ministre de la Justice a récemment affirmé que chaque prisonnier disposait d'un espace d'un mètre et demi carré. C'est faux. J'étais dans une cellule de 18 mètres carrés avec 18 détenus. Et encore, j'avais de la chance. La prison de Béni Mellal compte 690 détenus alors qu'elle ne peut recevoir que 186 personnes», conclut Bougrine.

Malgré ses 10 mois d'incarcération, Mohamed Bougrine n'a rien raté de l'actualité politique du pays. Selon lui, «Les élections du 7 septembre ont mis à nu les défaillances du makhzen et d'une certaine bourgeoisie». Plus intéressant, Bougrine a même un avis sur le mouvement de tous les démocrates mené par Fouad Ali El Himma. «On a de plus en plus l'impression que seuls les lauréats du collège royal peuvent mener des initiatives de ce genre. C'est injuste, parce qu'on oublie les milliers de jeunes Marocains qui peuvent réussir beaucoup de belles choses», confie Bougrine. Ce dernier affirme enfin que la réconciliation ne se limite pas au dédommagement des victimes, mais doit garantir les libertés de chacun dans une véritable démocratie.

Source: Le Soir Echos

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