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Piratage: La plus grosse saisie jamais réalisée

Du jamais vu. C’est la plus grosse saisie de CD piratés réalisée jusqu’à ce jour. En une seule descente, la police judiciaire (PJ) a mis la main, le 14 juillet à Hay Moulay Rachid à Casablanca, sur plus de 170.000 CD, 250.000 jaquettes, 42 graveurs… Et ces chiffres ne concernent qu’un seul pirate casablancais. L’inculpé est connu dans le milieu par le pseudonyme de Jamal Moul Matchat (1). Il est l’un des plus grands fournisseurs du souk de Derb Ghallef. La Mecque des pirates Marocains. Sa spécialité, ce sont les matchs de foot du championnat national et européen.

Comme quoi le tribut du piratage est payé aussi bien par les artistes que les sportifs. «La quantité des CD et du matériel saisis confirme qu’il s’agit d’un pirate à grande échelle. Il a réussi à créer un véritable réseau de distribution avec semi-grossistes et détaillants», a précisé Khalid Nokry, secrétaire général de l’Association professionnelle des producteurs et éditeurs de phonogrammes (Appep). Jamal Moul Matchat a véritablement développé un marché, en le fournissant en exclusivité.

Trois gros points de vente: le marché de gros, la ferraille du quartier Salmia et les nouveaux abattoirs. Des jeunes distributeurs se postent à l’entrée et proposent leur «marchandise». «Au marché de gros de Sidi Othman, pas moins de 4.000 camions de transporteurs de fruits et légumes se pointent chaque jour. Les profits réalisés sont énormes. D’autant plus que la vente commence dès 4h du matin et les prix des CD oscillent entre 5 et 10 DH», a précisé Nokry. Un simple petit calcul montre que les graveurs saisis peuvent produire jusqu’à 201.600 CD par mois. Et ce à raison de seulement huit heures de travail par jour, sachant que le temps nécessaire pour graver un CD est de 3 minutes. Si l’on considère qu’un CD se vend en moyenne à 3 DH, la recette mensuelle s’élève à plus de 600.000 DH sans aucune taxe.

Cette contre-attaque des producteurs de phonogrammes ne se limite pas à la capitale économique. D’autres villes ont connu des opérations similaires. C’est le cas notamment de Berrechid où cinq perquisitions simultanées ont permis, le 21 juillet, de mettre la main sur 37.000 CD, 5 imprimantes, 21 graveurs et 2 scanners. Deux pirates sont actuellement recherchés et un autre arrêté. Même scénario à El Jadida où une descente de la PJ a été effectuée le 19 juillet. «Cette fois-ci, le pirate a été arrêté en détention de 5000 CD vierges», selon le SG de l’Appep. Parfois, les opérations antipiratage peuvent se solder par un échec. Certains professionnels sont parfois de mèche avec les pirates. Ils les informent d’avance sur une éventuelle descente, poursuit Nokry. Safi, Marrakech et Meknès ont été aussi visées par l’Appep.

· Technique simple mais efficace

D’ailleurs, cette association est à l’origine de la plupart des opérations coup-de-poing visant la production informelle. La dernière en date remonte à avril 2005. «Nous intervenons surtout durant les grandes vacances estivales. Une période qui constitue un pic de vente pour les professionnels», a souligné le SG de l’Appep. On se base sur trois éléments: répression, prévention et sensibilisation, poursuit-il.

Reste à savoir comment elle procède pour débusquer les pirates-fournisseurs? Le plan d’action dépend en grande partie de cette première étape. «On installe un petit vendeur de CD piratés en lui fournissant la marchandise. Ensuite, il n’y a plus qu’à attendre qu’il soit contacté par un pirate», a précisé Nokry. La technique est simple mais efficace. Dès que le contact est établi, une grosse commande est faite. Par la suite, l’Appep coordonne avec la PJ pour cueillir, en flagrant délit, les fournisseurs de CD piratés. «Dans d’autres cas, il faut remonter jusqu’au bout de la filière. C’est un véritable travail d’investigation. On vise les gros bonnets et pas le petit revendeur», a précisé une source judiciaire.

Par ailleurs, la loi n° 35-05 modifiant et complétant la loi n°2-00 sur les droits d’auteurs et droits voisins a élargi les prérogatives des différents intervenants dans la lutte antipiratage. C’est le cas des agents du Bureau marocain des droits d’auteurs (BMDA). Ils sont habilités aussi bien à saisir qu’à faire appel aux forces publiques. De même, les procureurs du Roi peuvent d’office déclencher des poursuites sans qu’il y ait des plaintes.

Certes la loi existe, mais le manque de moyens et d’information pénalisent son application. Et c’est là la véritable urgence car la préservation de notre patrimoine culturel en dépend.

(1) Jamal le vendeur de matchs de foot.

Faiçal FAQUIHI
Source : L'Economiste

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