Menu

En 2010, tous les Marocains auront leur carte biométrique

De type biométrique, la nouvelle carte nationale d'identité (CNI) sera en circulation à partir de janvier 2007. TelQuel a eu accès à un document confidentiel du ministère de l’Intérieur, qui donne tous les détails. De son côté, Transparency Maroc craint que cet outil électronique ne se mue en mouchard permanent.

La Direction nationale de la sûreté nationale (DGSN) travaille d'arrache-pied pour mettre en circulation, à partir du premier janvier 2007, la nouvelle carte nationale d'identité (CNI) -on ne l'appellera plus dorénavant Carte d'identité nationale (CIN). L'objectif du ministère de l'Intérieur, apprend-on d'un document confidentiel à usage interne, est de remplacer progressivement les 20 millions titres identitaires en circulation par de nouvelles cartes biométriques, sur quatre ans, à raison de 5 millions par an.

Mais en quoi la nouvelle carte sera-t-elle différente de celle à laquelle nous nous sommes habitués jusqu'à présent ? La nouveauté majeure réside dans l'adoption d'un processus d'identification des citoyens au moyen de la biométrie. Autrement dit, lors de la présentation de la carte, un agent de sécurité pourra comparer les caractéristiques physiologiques uniques à chaque personne avec celles stockées dans les bases de données de la DGSN, explique-t-on dans le document. Plus prosaïquement, il s'agira d'une carte de type bancaire et les données classées sur chaque citoyen seront dorénavant accessibles par un simple décodage de son document biométrique.

Nouvelle carte, nouveaux paramètres
Techniquement, la nouvelle carte nationale d'identité sera une carte à puce sans contact, intégrant l'empreinte digitale comme élément biométrique principal. L'équipe de la sûreté nationale a veillé à intégrer dans cette nouvelle carte le standard “ID1”. (voir illustration ci-contre). Le choix des commanditaires marocains s'est porté sur le full polyester, considéré comme l'un des matériaux les plus résistants aux tests de vieillissement. Cette résistance explique, en partie, la durée de vie de la carte qui est de dix ans.

S'agissant des niveaux de sécurité physique, la future CNI intégrera trois composants. Le premier comprend des éléments visibles à l'œil nu, permettant ,lors de tout contrôle d'identité, de savoir s'il s'agit d'une carte authentique ou falsifiée. Le second niveau nécessite le recours à un petit outillage pour s'assurer de l’authenticité. Quant au troisième degré de sécurité, il exige l'établissement d'une analyse par des experts de la DGSN. La future CNI biométrique est dotée, en outre, d'un code barre bidirectionnel (standard PDF 417) et intègre une puce sans contact. Ce code barre sera personnalisé au verso et ne pourra pas être modifié durant toute la vie de la carte. Il contient, en outre, des données identitaires de son porteur sous format crypté.

La DGSN a particulièrement confiance dans le futur document parce que chaque titre identitaire est doté d'une clé d'authentification qui permet de prouver qu’elle a été émise par les soins des services du ministère de l'Intérieur (et non par un sombre réseau mafieux). Toujours selon un document officiel du département de la documentation et des titres identitaires, la CNI inclut un module puce antenne sans contact d'une capacité de 32 K. Cette antenne permet la communication entre la puce et le dispositif de lecture/écriture via des ondes électromagnétiques.

La solution technique, en cours de déploiement,s par les services techniques du ministère de tutelle, comprend également des équipements et des logiciels de production, des consommables haute sécurité. S'ajoute à cela un lien avec l'AFIS (Automated Fingerprint Identification System) qui réalise l'acquisition des empreintes digitales et assure la comparaison par rapport à la base de données de la DGSN. Quant à la sécurité physique, elle sera basée sur la personnalisation graphique fournie par Agfa et les puces sans contact. Voilà, techniquement, vous savez tout.

La promotion made in DGSN
Quid du planning de généralisation de la nouvelle carte ? Pour atteindre cet objectif d'ici 2010, la DGSN a décidé de décentraliser la production de la CNI sur deux principaux centres situés à Rabat et à Marrakech. Ces deux centres vont répondre aux demandes des citoyens provenant des 120 centres d'enregistrement de données identitaires régionaux qui seront créés spécialement à cet effet.

Au-delà de la dimension biométrique et sécuritaire de la carte, le ministère de l'Intérieur défend le caractère innovant de son projet par le fait que cette carte sera un vecteur de facilitation des procédures administratives et une pièce maîtresse de la stratégie nationale de l'administration électronique (e-gov). A en croire la DGSN, la nouvelle carte remplacera certains documents officiels tels que l'extrait de naissance, le certificat de résidence, le certificat de vie et le certificat de nationalité.

Les craintes légitimes de Transparency Maroc
Le projet de la CNI du ministère de l'Intérieur n'a pas laissé insensible la société civile. Ainsi, Transparency Maroc (TM) est montée au créneau en interpellant le gouvernement sur les conditions de passage de ce marché public, les services qui ont pris la décision et selon quelles procédures.

Parallèlement, l'association, en coordination avec plusieurs acteurs du tissu associatif, a focalisé sa plaidoirie sur le volet de l'accès à l'information et la protection des données personnelles d'autant plus que les pouvoirs ont décidé de s'investir dans la biométrie sans préparer l'arsenal juridique adéquat. A cet égard, un projet de loi est en cours de finalisation par Transparency Maroc afin d'encourager la consécration du droit à l'information tout en définissant les conditions d'accès. Ce texte s'inspire principalement des neuf principes retenus par l'ONG internationale Article 19 (www.art19.org) relatifs à la thématique de l'accès à l'information.

“Nous allons démarrer à partir de la rentrée une grande campagne de plaidoirie auprès de l'opinion publique, des parlementaires et des pouvoirs publics sur notre proposition relative à l'encadrement juridique du droit de l'accès à l'information et à la protection des données personnelles”, révèle Azzedine Akesbi, le secrétaire général de Transparency Maroc.

Cette mobilisation de la société civile résulte de la taille de l'enjeu. Il s'agit, tout d'abord, d'empêcher l'utilisation abusive de données à caractère personnel, ensuite, d'éviter qu'un outil censé renforcer la sécurité se mue en mouchard permanent. C'est aussi le début de la constitution d'un contre-pouvoir citoyen en attendant la mise en place d'une Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) à l'instar du modèle français en matière de protection des données personnelles.

Certes, ce débat n'est pas spécifique au Maroc puisque la mise en place d'un environnement de transparence et de confiance numérique dans les relations entre l'administration et les citoyens est l'un des grands challenges de l'innovation technologique. Les ingrédients pour éviter tout dérapage sécuritaire à cause du recours à la biométrie restent l'ouverture d'un débat public, la mise en place d'un cadre juridique efficient et l'adoption d'une démarche participative et citoyenne. La balle est dans le camp des citoyens. À vous de réagir.

Pour en savoir plus : www.europeanbiometrics.info
fr.wikipedia.org


À l'origine. 900 millions de dirhams, de gré à gré
La direction générale de la sûreté nationale (DGSN) a choisi de gré à gré les sociétés américaine “Cogent Systems” et française “Thales” pour la mise en œuvre de la nouvelle carte d'identité nationale.
Plusieurs professionnels du secteur des technologies de l'information ont regretté, mais discrètement, le fait que la DGSN ait choisi des sociétés étrangères sans pour autant réfléchir à associer des entreprises marocaines dans le projet. Ce regret découle du fait que l'intervention des sociétés de service informatique et d'ingénierie (SSII) marocaines était possible sur plusieurs composantes techniques de ce projet structurant pour l'industrie marocaine des Technologies d'information et de communication (TIC).
Actuellement, aucune indication n'a été fournie par les pouvoirs publics sur le montage financier de ce projet. Néanmoins, les estimations globales tablent sur un coût global de 900 millions à un milliard de dirhams, soit, presque deux fois le budget des TIC de l'ensemble des ministères du Royaume pendant deux ans.
À noter que l'investissement dans ce chantier couplé au projet du permis de conduire/carte grise, atteindra le niveau de 1,5 milliard de dirhams.

Définition. Biométrie, mode d'emploi
Selon le Club de la sécurité des systèmes d'information français (Clusif), un système de contrôle biométrique est un système automatique de mesure basé sur la reconnaissance de caractéristiques propres à l'individu. En effet, la biométrie est couramment utilisée, seule ou associée à l'anthropométrie (reconnaissance optique ou digitale...), afin d'identifier des personnes sur la base de caractéristiques physiques individuelles.
Les techniques d'identification par la biométrie servent principalement à des applications dans le domaine de la sécurité, comme le contrôle d'accès automatique, un tel dispositif étant qualifié de système de contrôle biométrique. Actuellement, le recours de plus en plus à la biométrie aussi bien par le secteur public que privé pose des questions éthiques surtout dans un pays comme le nôtre où nous ne disposons par pour l'instant d'un cadre juridique relatif à la protection des données personnelles et l'accès à l'information.

Rachid Jankari - Journaliste spécialisé dans les nouvelles technologies, il dirige le site www.maroc-it.com
Source: TelQuel

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com