Plusieurs milliers de personnes participaient vendredi après-midi à Anvers à une Marche blanche, silencieuse et apolitique, de protestation contre le racisme et la violence, deux semaines après le meurtre d'une jeune nourrice noire et de la fillette blanche qu'elle gardait.
Cette manifestation a été organisée par la municipalité d'Anvers, avec l'autorisation des familles des victimes. Les organisateurs attendaient 50.000 personnes, mais selon les premières estimations de la police, les manifestants apparaissaient moins nombreux, en raison d'une météo pluvieuse. Les participants ont été invités à se vêtir de blanc et les commerces le long du parcours à afficher des drapeaux de la même couleur, en signe de solidarité.
"Ce genre d'événement restera longtemps dans les mémoires. Anvers est en deuil depuis ces dernières semaines et j'espère après cela un meilleur climat dans la ville", a déclaré Patrick Janssens, maire de la cité portuaire du nord de la Belgique.
Des écoliers défilaient en tête du cortège, sous des banderoles proclamant "Stop au racisme. La diversité est la réalité". Selon Chris van Triers, un manifestant, "il est nécessaire de vivre ensemble. Nous ne pouvons pas compter sur les politiciens pour agir à notre place".
La manifestation se deroulait dans les rues du centre historique de la ville, où s'est produit le double crime le 11 mai. Le meurtrier présumé, un jeune homme de 18 ans connu pour ses sympathies d'extrême droite, venait de faire l'acquisition d'un fusil de chasse et de munitions.
Selon le parquet d'Anvers, le meurtrier présumé, Hans Van Themsche, a "délibérément recherché des personnes d'origine étrangère dans le but de les abattre". Ouvrant le feu sur tous les non-blancs, il a tué une Malienne de 24 ans, Oulemata Niandagou, et, sans le vouloir, la fillette de deux ans qu'elle gardait, Luna Drowart. Il a aussi blessé grièvement une femme d'origine turque qui passait par là.
Blessé à son tour au ventre par un policier qui le sommait de déposer son arme, l'agresseur présumé a été arrêté et transporté à l'hôpital, où il a été interrogé par la police et inculpé de meurtre avec préméditation. Il est toujours hospitalisé sous la garde des policiers. Hans Van Themsche avait récemment été expulsé de son établissement scolaire pour avoir fumé dans les locaux et avait rédigé une lettre d'adieu.
Le double meurtre a suscité une émotion considérable en Belgique, où les violences contre les non-blancs sont en nette augmentation depuis qu'un jeune homme de 17 ans, Joe Van Holsbeek, a été tué le mois dernier dans la gare centrale de Bruxelles, pour son baladeur MP3. Ses meurtriers présumés ont d'abord été présentés par les enquêteurs et la presse comme des Maghrébins, alors que rien ne permettait de l'assurer. La police a finalement interpellé deux suspects, des Polonais.
Depuis ce crime, les incidents à connotation raciste remplissent la rubrique Faits divers des médias belges. Les chaînes de télévision ont ainsi diffusé des images de caméras de surveillance montrant un Noir roué de coups dans une station-service bruxelloise parce qu'il n'avait pas déplacé son véhicule suffisamment rapidement. La victime est aujourd'hui paralysée et partiellement aveugle.
Un homme d'origine africaine est lui tombé dans le coma après un passage à tabac devant un bar fréquenté par l'extrême droite; trois skinheads ont été arrêtés. Un incendie suspect a par ailleurs ravagé un foyer de travailleurs africains.
"Ca ne peut pas aller plus mal", a constaté le maire d'Anvers, Patrick Janssens. "On ne peut pas comprendre que cela arrive en plein jour à Anvers." La ville, qui abrite une importante communauté juive et maghrébine, principalement originaire du Maroc, est aussi un bastion du parti d'extrême droite Vlaams Belang (Intérêt flamand). Embarrassé à quelques mois des élections municipales d'octobre, l'ex-Vlaams Blok (Bloc flamand) a condamné le double meurtre du 11 mai et affirme que le suspect n'était qu'indirectement lié au parti. "Le lien qu'il avait avec nous est que certains de ses proches sont membres du parti", a déclaré un porte-parole de la formation. "Lui-même n'avait jamais assisté à aucune réunion et n'était pas adhérent", selon lui.
Robert Wielaard
Source : AP