Bien que la participation des Marocains résidant à l'étranger (MRE) aux élections de 2007 semble compromise ou encore définitivement scellée, certaines associations gardent toujours l'espoir. Leur lobbying ne s'est pas pour autant complètement tassé. Pour les défenseurs de la participation, le gouvernement n'a pas encore clairement annoncé la couleur. S'agit-il d'un report temporaire de quelques mois pour se rattraper juste à temps avant les élections de 2007 ou définitif ? Dans ce dernier cas de figure, il y a de fortes chances que l'élite marocaine de l'étranger tourne le dos à la politique de son pays d'origine pour s'investir dans celle du pays d'accueil, beaucoup plus riche.
En tout cas, c'est la formule de "je t'aime, moi non plus" qui prévaut entre les MRE et la politique. Juste après le discours Royal de novembre 2005, ces pourvoyeurs de devises qui contribuent considérablement à l'économie du pays, ont fait valoir leur droit d'être présents sur l'échiquier politique. Mais voilà qu'ils s'en trouvent privés pour des raisons pas clairement motivés. Said Charchira, directeur du Centre européen d'études et d'analyses en Allemagne, pense que cette question ne peut être résolue qu'au sein d'un Conseil supérieur de l'émigration où les porte-parole des MRE et les partis politiques puissent arriver à une formule consensuelle.
Ce fut aussi la position, en août 2005, du Congrès mondial des citoyens d'origine marocaine dit Congress, une ONG de droit belge créée en 2001. Elle a été parmi les premières à revendiquer la création d'une structure dédiée aux questions de l'émigration. Ces associations avaient également émis le souhait que celle-ci émane d'une volonté royale puisque, de leur avis, les formations politiques n'y seraient jamais arrivées.
En effet, les partis semblent reléguer à l'arrière plan la participation de 3 millions de Marocains résidents à l'étranger, soit près de 10% de la population. A part le parti de l'Istiqlal qui dispose d'une commission dédiée à la question, le RNI et le PJD qui a effectué des tournées en Europe pour recruter de nouveaux adhérents MRE, le reste des compositions politiques sont moins enthousiastes. Pas plus loin que vendredi dernier, 15 partis dont l'Istiqlal, le PND, Forces Citoyennes et le PJD ont signé un communiqué dans lequel il dénonce entre autres, la marche arrière du gouvernement quant à l'organisation d'élections associant les Marocains de l'étranger.
Toutefois, la, participation politique a figuré en dernier point sur une liste de 5 revendications concernant notamment les listes électorales, le découpage et le seuil de représentativité. La contradiction avec les orientations royales est flagrante, tandis que l'Intérieur essaie de motiver son report par des considérations d'ordre organisationnel et logistique.
Telle n'est pas l'opinion de plusieurs organisations estimant plutôt que ce renvoi aux calendes grecques d'une participation consistante des MRE au Parlement émane de considérations purement politiques. "Depuis le 6 novembre, date du discours royal, il n'y a pas eu de consultations avec les associations de MRE ni de coordination avec les pays d'accueil", tonne Charchira.
La couleur aura donc été annoncée dès le départ. Certains sont même allés jusqu'à mettre en avant la crainte qu'une participation des marocains de la diaspora ne favorise trop la montée des islamistes, principalement le Parti de la justice et du développement (PJD). En effet, le sondage américain annonçant un très probable raz-de-marée de ce parti aux prochaines élections combiné aux rencontres que son secrétaire général a tenu avec les marocains d'Europe et des Etats-Unis, y seraient pour beaucoup.
Néanmoins, à cette réflexion s'oppose l'idée d'une méconnaissance des choix politiques de la diaspora. Entre les mosquées qui encadrent la communauté marocaine sans forcément faire d'embrigadement politique et les partisans du boycott des urnes, nombreux sont ceux qui optent pour le juste milieu.
Selon Abdellah Baha, président du groupe parlementaire du PJD, "il faut que le gouvernement prenne ses responsabilités vis-à-vis du discours Royal". Il a exprimé la crainte que la dynamique née suite à l'annonce royale ne soit supplantée par un sentiment de désaffection compromettant toute participation future aux élections. Surtout que les MRE gardent un mauvais souvenir de leur participation politique dans les années 1980. A l'époque, quatre seulement ont pu décrocher des sièges au Parlement.
Présents dans les instances politiques des pays d'accueil
Aujourd'hui, les Marocains résidant à l'étranger sont assez présents dans les instances politiques et administratives de leurs pays d'accueil. En effet, 14 Marocains sont élus dans les communes et régions de Belgique en plus d'un ministre à la femme et au social et 160 élus dans les communes de France. Mieux, deux Marocains siègent au Parlement européen et dernièrement, après les élections de mai 2005 en Grande-Bretagne, un Marocain a été élu au Parlement britannique. Il est donc insensé que les MRE ne soient pas représentés dans les instances politiques de leur propre pays. Ils ont finalement raison de contester la logique purement pécuniaire avec laquelle ils sont considérés au Maroc. Certes, les Marocains d'ailleurs sont de plus en plus présents dans le discours officiel, mais ils attendent toujours des actions concrètes. A ce propos, les responsables des associations de MRE, appellent à une nouvelle approche basée sur la sociologie politique.
Le Parti "Al Ahd" tient une rencontre à Bruxelles
Une délégation du Parti "Al Ahd", conduite par son président, Najib Ouazzani, a tenu une rencontre samedi à Bruxelles, avec plusieurs membres de la communauté marocaine, marquée par des échanges sur l'actualité politique au Maroc et les derniers développements de la question de l'intégrité territoriale du Royaume.
M. Ouazzani a notamment exposé l'évolution du processus démocratique au Maroc, insistant sur le rôle de la communauté marocaine à l'étranger dans le renforcement des acquis et la consolidation de l'œuvre de modernisation du pays.
La décision de S.M. le Roi Mohammed VI de mettre en place un Conseil supérieur représentant la communauté marocaine vivant à l'étranger permettra aux différentes générations de cette communauté de contribuer à la marche de modernisation et de démocratisation du pays, a-t-il ajouté.
Il a, en outre, indiqué que la décision Royale d'accorder l'autonomie au Sahara dans le cadre de la souveraineté du Royaume, et la mission confiée dans ce sens au Conseil Royal consultatif pour les affaires sahariennes (CORCAS), constituent une démarche à même de parvenir à une solution définitive du conflit artificiel créé de toutes pièces autour du Sahara marocain.
Au cours de sa visite à Bruxelles, M. Ouazzani devrait également prendre part à une table ronde organisée par des représentants des médias marocains en Belgique.
Mostafa Bentak (avec la MAP)
Source : Le Matin