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Nicolas Sarkozy pompier pyromane

« Provocateur », « irresponsable »... Les qualificatifs peu amènes pleuvent sur la tête de Nicolas Sarkozy. Quatre mois après l’épisode du « Karcher » à La Courneuve, la rhétorique guerrière du ministre de - l’Intérieur a de nouveau frappé. Confronté à une série d’émeutes, qui ont éclaté après la mort accidentelle, jeudi, de deux jeunes à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), le locataire de la Place Beauvau, loin de chercher à apaiser la situation, a décidé de durcir encore le ton. Suscitant, bien entendu, la colère de la gauche et d’une bonne partie de la population. Mais aussi l’exaspération de son propre camp politique, où certains essaient de se démarquer de cette politique du coup de menton.

une population qui réclame de l’estime

L’affaire de Clichy-sous-Bois serait-elle celle de trop pour Nicolas Sarkozy ? Samedi dernier, plusieurs milliers de personnes ont défilé dans les rues de la ville en hommage aux deux victimes. Dans le cortège, on parle - respect, chômage, stigmatisation. Le lendemain, invité de TF1, le ministre de l’Intérieur, qui a employé quelques jours plus tôt à - Argenteuil le terme de « racaille » pour qualifier les jeunes de banlieue, prend, lui, son ton le plus martial pour faire de la « tolérance zéro » LA solution aux problèmes de violences et de pauvreté qui minent certaines cités populaires. En guise de moyens concrets, il rappelle sa volonté de mobiliser dans les quartiers sensibles... dix-sept compagnies de CRS et sept escadrons de gendarmes mobiles.

Le décalage est patent. D’un côté, une population qui réclame de l’estime et des moyens. De l’autre, un ministre qui, à force de propos insultants, souffle lui-même sur les braises qu’il jure vouloir éteindre. Signe des temps. Les familles des deux victimes ont refusé d’être - reçues Place Bauveau par Nicolas Sarkozy jugé « incompétent ». Avant finalement, de rencontrer, hier soir, le premier ministre Dominique de Villepin à Matignon, en présence du numéro 2 du gouvernement. Les méthodes de Nicolas Sarkozy provoquent un ras-le-bol de plus en plus palpable. « Au moment où certains représentants des pouvoirs publics multiplient les provocations verbales vis-à-vis des jeunes de banlieue, on ne peut malheureusement pas s’étonner que ce qui devrait rester des incidents avec la police se transforme en drame », - déplore Marie-Christine Vergiat, présidente de la Ligue des droits de l’homme en Seine-Saint-Denis. « Le langage employé par Nicolas Sarkozy fait "tilt" auprès des jeunes, regrette Yazid Kerfi, consultant en prévention urbaine (1). Ce sont des mots qu’ils connaissent et qui décrédibilisent le discours politique mais aussi la police. Pourquoi ne pas insulter la police de "racaille" puisque même le ministre le dit ? Un ministre doit savoir rester dans son rôle, comme un adulte doit savoir rester à sa place. »

Pour beaucoup, l’emploi de ce vocable n’a rien d’innocent. « Obnubilé par sa campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy cherche ainsi à plaire à tout le monde, et notamment, ici, aux électeurs du Front national, estime Charles Rojzman, spécialiste des questions de violences urbaines (2). Il essaie aussi de séduire ce qu’il croit être la "communauté" musulmane lorsqu’il aborde la question du vote des immigrés ou les noyaux durs de délinquants qui empoisonnent les cités. »

l’arrêt de la police de proximité

Autant de gesticulations sémantiques qui masquent mal un bilan de plus en plus dénoncé. Des émeutes ont aussi eu lieu, lundi soir, dans les villes voisines de Clichy-sous-Bois. À Sevran, deux classes d’une école primaire dans le quartier des Beaudottes ont été incendiées ainsi que plusieurs véhicules. Des événements « inacceptables », a dénoncé Stéphane Gatignon, le maire (PCF) qui ne manque pas de souligner que les effectifs de police n’ont cessé de décroître ces dernières années : 120 en 2001 contre 80 aujourd’hui. « Comment faire un travail de prévention et de proximité dans une ville de 50 000 habitants qui n’a toujours pas de commissariat de plein exercice ? »

Charles Rojzman souligne, lui, « l’erreur » qu’a constitué l’arrêt de la police de proximité. « Même si, précise-t-il, celle-ci avait été mise en place dans de très mauvaises conditions. » Pour le chercheur, la « banlieue » n’est qu’un bouc émissaire. « Nicolas Sarkozy ne doit pas considérer ce lieu comme un problème à part. Il n’est que la conséquence des problèmes de tout un pays, que ce soit au niveau du chômage, de l’éducation nationale. Mais encore une fois, ce n’est pas la motivation profonde du ministre... »

(1) Auteur de Repris

de justesse, La Découverte.

(2) Auteur de Savoir vivre ensemble, La Découverte.

À paraître : C’est pas moi, c’est lui, Éditions Jean-Claude Lattès.

Source: L'Humanité

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