Le ministre de l'Intérieur n'a pas été très disert mercredi matin sur la polémique qui l'oppose au ministre de l'Egalité des chances. Mardi, de nombreux sarkozystes s'étaient montrés très durs envers lui, après qu'il eût mis en cause le vocabulaire guerrier du président de l'UMP dans les banlieues.
L e ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy a estimé mercredi 2 novembre qu'Azouz Begag, ministre délégué à la Promotion de l'égalité des chances, ne lui avait pas facilité la tâche lors des incidents qui se sont déroulés ces derniers jours en banlieue parisienne.
Interrogé par Europe 1 sur le fait de savoir si Azouz Begag, qui a déploré à plusieurs reprises le vocabulaire de Nicolas Sarkozy ("nettoyer au Kärcher", "racaille"), "lui avait facilité la tâche", le ministre a simplement répondu "non" sans autre commentaire.
Auparavant, Nicolas Sarkozy, interrogé sur les raisons pour lesquelles Azouz Begag ne s'était pas rendu en banlieue, a indiqué que c'était "à lui de répondre".
Toute la journée de mardi, les critiques d'Azouz Begag contre la "sémantique" du ministre de l'Intérieur ont suscité la colère des sarkozystes, certains allant jusqu'à demander sa démission.
Dominique de Villepin a souhaité clore la polémique, d'abord en accueillant aux côtés de Nicolas Sarkozy les familles des jeunes électrocutés puis en recevant Azouz Begag.
"Légitimé"
Sociologue d'origine algérienne, promu en juin par Dominique de Villepin ministre délégué à la Promotion de l'égalité des Chances, ce dernier a, à plusieurs reprises depuis le déclenchement de la crise des banlieues, déploré le vocabulaire de Nicolas Sarkozy.
Dimanche, il regrettait de "dire aux jeunes qu'ils sont des racailles", mot "utilisé par le ministre de l'Intérieur lorsqu'il s'était rendu dans le Val-d'Oise.
Azouz Begag est revenu à la charge mardi, invitant à "toujours choisir ses mots" quand on parle avec les pauvres, dénonçant une "sémantique guerrière, imprécise" de Nicolas Sarkozy ("racaille", "nettoyer au Kärcher"...). "Il faut cesser d'aller avec caméras et journalistes dans ces zones de pauvreté et de susceptibilité", a-t-il demandé.
De plus, il a déploré ne jamais avoir été "contacté" par Nicolas Sarkozy pour des déplacements en banlieue. "J'en suis surpris, alors que je suis l'un des rares au gouvernement à être légitimé par 25 ans d'expérience et de travail sur ces quartiers".
"Solidarité gouvernementale"
Des propos qui ne pouvaient manquer de susciter la fureur des amis du ministre de l'Intérieur.
Begag "a perdu une bonne occasion de se taire", selon Thierry Mariani (UMP, Vaucluse). "Il a manqué à la nécessaire solidarité gouvernementale", a dénoncé Alain Marleix (UMP, Cantal), réclamant carrément la démission du ministre délégué.
Interrogé, Brice Hortefeux, bras droit de Nicolas Sarkozy, a glissé : "Je peux comprendre l'exaspération d'Alain Marleix, car notre pays a besoin d'unité et le gouvernement de cohésion, même si je ne partage pas toutes ses conclusions".
Enfonçant le clou, le sénateur Philippe Goujon s'est demandé si Azouz Begag "soutient la racaille". Yves Jégo (UMP, Seine-et-Marne) a souhaité que Dominique de Villepin rappelle le ministre délégué à l'ordre. Autre membre de la garde rapprochée, Christian Estrosi a requis une "solidarité gouvernementale totale".
Pour un sarkoziste qui a requis l'anonymat, si le ministre délégué a tant parlé, c'est "qu'il en a, au minimum, reçu le feu vert".
Soutenu par Villepin ?
"Je ne crois pas au caractère spontané d'Azouz Begag", a dit cette source. "Voilà un type qu'on n'a pas entendu pendant cinq mois, et brusquement il est partout".
"Une déclaration, ça peut être spontané.
Mais quand on donne des interviews dans tous les sens, surtout pour un ministre sans assise politique, ça ne peut être qu'après un feu vert" (sous-entendu: du Premier ministre).
En 2004, Azouz Begag s'était vu confier une mission sur l'égalité des chances par Dominique de Villepin, ministre de l'Intérieur qui venait de lui remettre la légion d'honneur.
Mardi, le Premier ministre a recadré avec lui sa mission, lui assignant de travailler avec Jean-Louis Borloo (cohésion sociale) et - formule volontairement vague - "les autres ministres concernés".
Source: Nouvel Obs