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Vote des étrangers: Sarkozy giflé par les siens

Villepin s'est prononcé contre la proposition du ministre de l'Intérieur, qui rencontre une forte opposition à l'UMP.

Dominique de Villepin n'aura pas tardé à censurer la dernière saillie de son ministre de l'Intérieur. A peine Nicolas Sarkozy a-t-il dégainé son idée d'octroyer un droit de vote aux étrangers non-communautaires pour les élections locales (Libération d'hier), que le Premier ministre a rectifié son ministre de l'Intérieur. «Le sujet est sur la table depuis longtemps. Pour ma part, je crois à la force du lien entre nationalité et citoyenneté : c'est la nationalité qui donne le droit de s'exprimer sur les grandes orientations politiques locales ou nationales», a déclaré Villepin dans une interview au Parisien-Aujourd'hui en France à paraître aujourd'hui. Et d'ajouter : «Cette nationalité, tout étranger qui habite sur notre territoire depuis plus de cinq ans peut librement la demander : c'est un choix important, qui marque la volonté d'appartenir à la communauté nationale.»

Pourtant, dans la matinée d'hier, le chef du gouvernement faisait le dos rond. «Nicolas Sarkozy s'est exprimé à titre personnel, ce n'est pas un sujet de débat», soulignait un de ses proches. Dominique de Villepin et son ministre de l'Intérieur ont déjeuné ensemble hier, sans aborder le sujet, selon l'entourage du Premier ministre. Pour prouver à Sarkozy sa volonté d'apaisement, le chef du gouvernement lui a même proposé de venir à sa conférence de presse mensuelle qui se tiendra demain matin. Ce n'est que dans l'après-midi que le locataire de Matignon a décidé d'ajouter une réponse sur le droit de vote des étrangers dans son entretien au Parisien. Entretemps, il avait dépêché deux de ses plus proches conseillers tâter le pouls des députés à l'Assemblée nationale. Ceux-ci n'ont pas manqué de lui rapporter la pagaille semée dans les rangs UMP par la proposition de Sarkozy.

Confusion. De nombreux élus, dont une bonne partie est issue du Sud de la France, où le Front national obtient des scores élevés, sont en effet vigoureusement montés au créneau. Dès le matin, Jean-Claude Gaudin, président délégué de l'UMP, s'est opposé au numéro un du parti en déclarant, sur France 2, préférer la naturalisation des étrangers à l'extension de leur droit de vote aux élections locales. Il a été plus tard relayé, lors de la réunion du bureau du groupe UMP au Palais-Bourbon, par un autre élu marseillais, Guy Tessier. Interrogé sur LCI, un troisième Marseillais, l'ancien ministre Renaud Muselier, a, lui, jugé «nécessaire» ce débat : «Il ne faut pas avoir peur des étrangers.» C'est dire si la confusion règne à l'UMP.

De son côté, le ministre de l'Intérieur s'est rendu dans la matinée devant le bureau du groupe à l'Assemblée nationale pour s'expliquer. Questionné par une dizaine de députés pendant plus d'une heure, il a estimé qu'il fallait «donner de l'air à la droite» en s'appropriant des «idées neuves». Et de conclure : «De toute façon, ça se fera. Autant être présent dans ce débat.» Mais il n'a pas convaincu tout le monde. Loin de là. A la sortie, le président du groupe UMP, Bernard Accoyer, a affirmé que la position de Nicolas Sarkozy n'était «pas majoritaire», aussi bien au sein du bureau que du groupe UMP. Il a également indiqué qu'à titre personnel, il n'était «pas favorable au vote des étrangers non-communautaires». «Il ne suffit pas qu'une idée soit de gauche pour qu'elle soit bonne, a plaisanté Hervé Mariton (Drôme) dans les couloirs de l'Assemblée. Je suis d'accord pour trouver des idées neuves, mais il ne faut pas uniquement chercher à se faire plaisir, à être dans l'air du temps.» Nicolas Dupont-Aignan (Essonne) s'est déclaré «inquiet par le geste démagogique» du numéro 2 du gouvernement : «C'est gravissime, ça va choquer les gens. Il croit qu'il va gagner sur tous les tableaux, mais, en fait, il va perdre. Ça fait un de moins pour la présidentielle !» Tout aussi remonté, Lionnel Luca, député des Alpes-Maritimes, n'a pas mâché ses mots pour dénoncer «une fausse générosité» dans la proposition de Sarkozy : «Envisager le vote des étrangers ne peut que semer le trouble chez nos concitoyens et, en particulier, au sein de l'UMP. Accepter le vote des étrangers aux élections municipales, dont les élus désignent les sénateurs de la République, c'est tout simplement désagréger la nation française, une et indivisible.» «Toucher à cette pièce de l'édifice, c'est créer un bouleversement», a repris en écho le député de Paris Claude Goasguen, qui est tout de même d'accord pour qu'un débat ait lieu.

«Ça commence à faire beaucoup.» Les plus mal à l'aise hier étaient les amis du ministre de l'Intérieur. Si Yves Jégo (Seine-et-Marne) ou Hervé Novelli (Indre-et-Loire) n'ont pas d'états d'âme et se sont prononcés de longue date en faveur du droit de vote des étrangers sous certaines conditions, d'autres sont beaucoup plus circonspects, comme Nadine Morano (Meurthe-et-Moselle), qui estime qu'«à l'heure actuelle, ce n'est pas quelque chose qui peut être compris par nos électeurs, même si c'est une réflexion qu'il faut creuser et que Nicolas a raison de lancer le débat». «Balancer ça peu de temps après les propositions de réforme de la loi sur la laïcité, ça commence à faire beaucoup», notait un autre sarkozyste, sous couvert d'anonymat.

«J'ai deux jambes.» Conscient du trouble semé par sa proposition, Sarkozy a refait de la pédagogie, hier soir, à l'occasion d'une petite sauterie qu'il avait organisée place Beauvau avec plus de 350 parlementaires. «Il faut réconcilier les Français avec la politique, leur a-t-il lancé. Le pire risque serait de ne rien dire.» Il a rappelé «l'erreur du Pacs» auquel la droite s'était opposée, et qui avait réagi, selon lui, «avec l'épiderme, mais non avec le coeur». Apôtre de «la pratique systématique du débat, du débat sans tabou», le patron de l'UMP a estimé que son parti devait «traduire les aspirations contradictoires des Français, qui veulent à la fois de la fermeté et de l'humanité». «J'ai deux jambes, je ne veux pas faire travailler l'une plus que l'autre. Je suis celui qui a participé à décomplexer la droite, je ne serai pas celui qui la caricaturera», a-t-il précisé. Avant de conclure : «La stratégie du repli sur soi, de la peur, des petites idées n'est pas la mienne. La France est un grand peuple, elle est capable d'avoir de grandes idées.» Il n'entend d'ailleurs pas s'arrêter en si bon chemin et veut penser à «d'autres débats, comme celui de l'homoparentalité». Voilà qui va rassurer les députés UMP...

Source: Libération

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