Menu

Point de vue(Immigration): Contre les quotas, le partenariat

En matière d'immigration, le PS doit élaborer une politique de codéveloppement.


l'immigration a toujours été le bouc émissaire favori de la droite, surtout lorsque cette dernière est à court d'idées. A chaque échéance électorale, la machine s'emballe. On agite l'épouvantail de l'immigration, entretenant sciemment l'amalgame entre étrangers, banlieues, Français issus des ex-colonies, clandestins, chômage, insécurité voire terrorisme !... Tout est bon pour séduire l'électorat d'extrême droite ou pour attiser les peurs d'une partie de nos concitoyens déjà en proie au doute.

Tels de mauvais élèves qui répètent inlassablement les mêmes erreurs, les gouvernements nommés après la réélection de Chirac ont fait de la lutte contre l'immigration leur cheval de bataille. Sarkozy ne déroge pas à la règle. Il y ajoute même une touche personnelle. En plus de sa boulimie sécuritaire et de sa sacro-sainte discrimination positive, voilà une politique des quotas, mal dissimulée sous le vocable d'«immigration choisie». En réalité, le «remède miracle» qu'il nous propose a déjà été testé aux Etats-Unis, en Italie et en Espagne, produisant l'inverse des effets escomptés. L'appel d'air provoqué par le recours aux quotas n'a fait qu'augmenter le flot des immigrés clandestins.

Comment en est-on arrivé là ? Après avoir défendu bec et ongles le mythe de l'«immigration zéro» cher à Pasqua, la droite a été rattrapée par le déficit démographique annoncé. A l'instar d'autres gouvernements européens, elle souhaite à présent inverser les flux migratoires. Ironie de l'histoire, la France a de nouveau besoin de bras et de cerveaux pour garantir sa croissance et pallier le vieillissement de sa population. Seule issue : recourir à ces migrants qu'on accusait hier d'être à l'origine de tous nos maux.

La droite s'est retrouvée prise à son propre piège : comment faire pour défendre l'immigration pour des raisons économiques et la combattre pour des raisons idéologiques ? A l'avenir, le nombre d'étrangers «importés» sera arrêté en fonction des besoins des entreprises. Ces dernières y trouvent leur compte : disposer d'un personnel qualifié à bon marché et corvéable à merci. C'est également une aubaine pour ceux qui rêvent depuis longtemps de limiter la hausse des salaires, sachant qu'à compétence égale la rémunération des étrangers est généralement inférieure à celle de leurs pairs français.

Par ailleurs, il est à craindre que la remise en cause du droit d'asile, du regroupement familial et du titre de séjour unique et renouvelable devienne irréversible. Les obstacles administratifs rencontrés quotidiennement par les demandeurs confirment cette tendance. Et ce au mépris des conventions européennes et internationales qui protègent la vie familiale et le droit d'asile, dont la France est pourtant signataire.

Cessons l'hypocrisie ! En réalité, il s'agit d'une nouvelle forme de spoliation des ressources humaines qui ne fera qu'accentuer la fuite des compétences dans des pays où elle constitue déjà un fléau. Nous, socialistes, profondément attachés à nos valeurs humanistes, devons nous opposer à cette réactualisation des rapports coloniaux.

Le Parti socialiste ne doit en aucun cas rester en marge de ce débat. Il a le devoir non seulement de s'impliquer dans l'élaboration d'une vraie politique d'immigration, mais également de dénoncer les dérives des projets gouvernementaux.

Si l'immigration clandestine est une préoccupation majeure et légitime, c'est avant tout un drame humain qu'il est nécessaire de traiter en tant que tel. Il faut cesser d'accabler un peu plus les immigrés «illégaux», qui sont les premières victimes de ce système. L'Etat gagnerait à s'attaquer aux réseaux qui le favorisent et aux employeurs véreux qui y ont recours souvent au grand jour. Il est temps de se pencher sur les véritables raisons qui poussent à l'exil des pans entiers de l'humanité.

Le recours aux quotas pas plus que le traitement sécuritaire de l'immigration ne parviendra à dissuader ceux qui aspirent à une vie meilleure. Il en est ainsi depuis que le monde est monde. Certains candidats à l'immigration se disent prêts à tenter leur chance autant de fois qu'il le faudra, même au péril de leur vie. La multiplication du nombre de traversées de la mort, entre l'Afrique et l'Europe, renseigne sur la détresse de ces hommes et sur le délabrement de leurs pays. Ceux là même que l'on a dépouillés pendant des décennies de leurs ressources matérielles et humaines pour défendre notre pays face au nazisme puis pour le reconstruire. Si la politique des quotas avait existé il y a cinquante ans, nos parents et grands-parents n'auraient peut-être pas trouvé refuge en France. Certains responsables politiques devraient y penser car, sans la générosité des lois de l'époque, eux-mêmes auraient probablement connu un tout autre destin !

Soucieux de traiter ces questions en préservant la dignité des hommes, le Parti socialiste se doit d'oeuvrer pour la mise en place d'une politique réaliste dans les pays d'origine, autour de programmes de codéveloppement tournés vers les populations les plus démunies. Des programmes qui s'inspirent des modèles de développement locaux et non de ceux des pays développés. Il faut éviter d'exporter des concepts clés en main au risque de susciter des réactions de rejet, par ailleurs légitimes.

Pour les socialistes, le codéveloppement est une piste à privilégier, dans la mesure où elle permet d'instaurer un partenariat gagnant-gagnant entre pays riches et pays pauvres. C'est vraisemblablement dans le cadre d'une politique cohérente de partage qu'on pourra négocier avec nos voisins du Sud la possibilité de faire appel à leurs compétences, tout en préservant leurs intérêts. Il est tout à fait envisageable de construire un système de coopération à double sens : engager le personnel qualifié dont on a besoin chez nos voisins, mais dans les secteurs pléthoriques uniquement (il en existe) et leur proposer en échange l'encadrement qui leur ferait défaut, dans la limite de nos moyens.

Contrairement à l'«immigration choisie», qui se décide de manière unilatérale, avec toutes les frustrations qui en découlent, une politique d'échanges de compétences préserverait la dignité des personnes et garantirait le respect mutuel entre les pays qui s'y engagent. Ce respect doit s'incarner dans des mesures pratiques, notamment une co-organisation du processus de formation, de qualification professionnelle, d'accueil et d'éducation avec la garantie des Etats à travers une convention bilatérale. Elle suppose la mise en place d'une politique globale multisectorielle au long cours, suivie et ajustable dans le cadre d'un partenariat équitable entre les pays d'accueil et les pays de départ.

Certes l'instauration de ce système nécessite un travail de longue haleine, une certaine dose de volonté politique et une vision réaliste de l'avenir. Puisque la droite s'est montrée une fois de plus défaillante, il appartient aux socialistes et à tous les hommes de progrès de démontrer que cette voie est possible.

Par Faouzi LAMDAOUI, François REBSAMEN, Bruno LEROUX, Kader ARIF
Respectivement délégué national chargé de l'égalité des chances et la lutte contre les discriminations du PS ; et secrétaires nationaux du PS.

Source: Libération

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com