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En 2004, le royaume du Maroc a affronté l'épreuve de la démocratisation

Le royaume du Maroc aborde l'année 2005 dans un contexte de démocratisation dont le rythme et la portée suscitent à la fois espoirs et inquiétudes.

Incarnée par le roi Mohammed VI, intronisé en 1999, "la monarchie exécutive" concentre l'essentiel de l'élan réformateur face à des partis politiques en pleine restructuration.

Le parti islamiste "modéré" de la Justice et du Développement (PJD), troisième force parlementaire du pays depuis les élections législatives de septembre 2003, s'est solidement ancré comme la principale force d'opposition légale face aux deux partis historiques de l'USFP (socialiste) et de l'Istiqlal (conservateur nationaliste) de l'actuelle coalition gouvernementale.

En attendant une entrée au gouvernement du PJD, que de nombreux observateurs jugent "inéluctable", l'essentiel des réformes politiques et juridiques reste l'oeuvre du Palais royal. Refonte du statut juridique de la femme; reconnaissance publique et indemnisation des victimes de l'arbitraire d'Etat sous le précédent règne autoritaire de Hassan II; grâce des derniers détenus d'opinion; consécration de la liberté d'expression; modernisation de l'appareil sécuritaire; multiplication des accords de libre-échange (dont celui signé en avril avec les Etats-Unis qui suscite une vive inquiétude des agriculteurs marocains); reprise en main des mosquées: toutes ces décisions, mises en musique par le gouvernement du Premier ministre technocrate Driss Jettou, ont été initiées ou validées par le roi et ses discrets mais puissants conseillers.

L'année 2004 aura également vu tomber les trois derniers tabous du débat politique au Maroc: le conflit du Sahara-Occidental, l'Islam et la personne du roi. Ce dernier, dont la "sacralité" est prévue par la Constitution, n'a ainsi pas réagi officiellement quand les islamistes du mouvement Al Adl Wal Ihsane ou de l'aile radicale du PJD ont remis en cause sa qualité de "commandeur des croyants" ("Amir al Mouminine"). Aucune réaction non plus du Palais quand l'hebdomadaire "Tel Quel", dont le sérieux et l'audace des reportages contribuent à l'agenda politique, a publié en décembre une enquête sur les comptes et le fastueux train de vie de la famille royale.

Le débat sur la laïcité, également nourri par "Tel Quel", est désormais posé en alternative à l'islamisme radical. Un fondamentalisme qui, comme dans le reste du Maghreb, continue de prospérer dans les bidonvilles où vit un Marocain sur cinq et de se développer dans les élites.

Les choix ouvertement pro-occidentaux du Maroc, promu "allié stratégique" militaire des Etats-Unis en 2004, sont parfois difficilement acceptés par une opinion populaire victime d'une "benladenisation des consciences".

Le royaume bénéficie en contrepartie de ce partenariat stratégique du soutien de Washington sur le dossier du Sahara-Occidental. Un conflit territorial dont la diplomatie marocaine a démontré en septembre et devant les Nations unies "le caractère artificiel" conçu par l'Algérie voisine, avec laquelle les rapports restent très tendus malgré plusieurs tentatives de réchauffement.

Sur ce même dossier, qualifié de "cause nationale sacrée" par Mohammed VI, le Maroc sait également pouvoir compter au Conseil de sécurité sur le solide soutien de la France et, de son président Jacques Chirac, ami personnel du souverain chérifien mais aussi de son père Hassan II.

La coopération multiforme et "capillaire" de la France et du Maroc, selon l'expression de Jacques Chirac, est le second pilier de la diplomatie marocaine, malgré quelques tensions suscitées par la lune de miel avec les Etats-Unis de George W. Bush.

Autre événement-clé de l'année 2004, la disparition politique du président espagnol José-Maria Aznar, véritable bête noire de la diplomatie marocaine en raison de son "arrogance néo-coloniale", de "sa tentative de créer un axe Alger-Madrid clairement hostile au royaume" et de "ses vélléités de gendarme atlantiste du Maghreb", selon un influent ministre marocain.

Sur tous ces dossiers, et faute d'une classe politique crédible, le roi Mohammed VI a donc été en première ligne. "Une place très exposée pour un souverain dans un contexte d'authentique ouverture politique", estime un diplomate européen en poste à Rabat.

Source : Associated Press

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