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Pourquoi s’attaquer à la diplomatie marocaine?...Un jeu dangereux

D’un revers de main, il a été dit sans ambages ni précautions : c’est la faute de la diplomatie marocaine. Combien de fois, à l’occasion d’un discours ou d’une palabre à la télévision, n’a-t-on pas remarqué cette facilité dans l’usage du revers de main, utilisé promptement avec dédain pour désigner une composante des Institutions nationales. Quand l’acteur de la scène politique manque d’arguments, de vision, ou recrute à tout va, il recherche un supposé maillon faible pour se défausser, botter en touche, pour se grandir en rabaissant, au mépris de la cause nationale, parfois sans arpenter sa propre démarche, voire sans se retourner sur son vécu.

Traditions

Il est facile de dire c’est la faute de la diplomatie marocaine. Comme certains jeux de hasard, cela ne coûte rien et peut rapporter gros en image, en mythe, en condescendance, mais il est plus difficile de dire pourquoi, pour la simple raison que les femmes et les hommes qui actionnent cette diplomatie font leur travail dans une réserve scrupuleuse et loyale, dans une modération sereine et saine ; la diplomatie marocaine peut se regarder dans le miroir de l’histoire de notre pays, elle s’y contemple. La diplomatie est un métier ; ceux qui y travaillent savent ce qu’il faut faire, comment faire et pourquoi faire. Aussi, la diplomatie marocaine, de par sa longue expérience des relations internationales, demeure-t-elle l’héritière de traditions, résultats d’un passé qui lui impose la discrétion, et, également, d’un savoir-faire forgé par une pratique ancestrale, qui lui ordonne loyauté et sincérité. Contrairement à ce qui se chuchote, notre diplomatie n’a pas d’état d’âme pour agir, ni de carence dans les compétences pour accomplir sa mission, ni un problème d’identification de ses priorités, puisqu’elle en détient les tenants et aboutissants. Et puisque ces revers de mains ont pour unique but de laisser croire en une défaillance dans la gestion du dossier de notre intégrité territoriale, la diplomatie marocaine a inventorié et segmenté depuis fort longtemps les styles et les allures de l’adversaire, usant du terme adversaire, tant il est vrai que, de notre part, un autre vocable manquerait d’élégance… Essayons d’inventorier et de saisir les déambulations de cet adversaire… Comment faire et agir quand votre adversaire vous aguiche avec la fraternité et la concorde, la culture partagée, la souche fondatrice de notre parenté ou la religion, base de notre conscience ? Comment réagir quand il laisse croire aux autres, qu’en dehors de la question du Sahara, nos relations bilatérales sont excellentes et exemplaires, que nous concertons sur tout, que nous sommes d’accord sur tout et que nos voix s’associent chaque fois que nécessaire, alors que, inopportunément, nos frontières sont fermées, que, malheureusement, notre commerce est nul, que nous ne nous accommodons sur rien, et que dans les forums internationaux nous faisons, nous, preuve d’une bienséante courtoisie à son égard, qu’il récupère immédiatement pour laisser croire ce qui n’existe pas ? Comment se définir par rapport à un adversaire qui vous pollue chaque matin dans les colonnes d’une presse à ses ordres, vous insulte sans honte, vous diffame copieusement et use de l’invective au-delà du tolérable, ou bien vous traite publiquement, de haut de tribunes où la pondération est la norme, de colonisateur, de nuisance pour la jeunesse, et, cerise sur le gâteau, s’adresse à vous par des propos comminatoires ?

Nuisance

Comment voulez-vous rivaliser avec un adversaire qui mystifie en hurlant à l’usurpateur, sans retenue et sans honte, et qui vous laisse le bon soin de convaincre vos amis et aussi vos ennemis que vous ne l’êtes pas… alors qu’il sait pertinemment que son tintamarre instille le doute et que convaincre relève du parcours du combattant ? Comment rivaliser contre un adversaire qui forge ses propres principes, archétypes de la philosophie d’une girouette, en fonction de ses intérêts réels ou supposés, qui use de procédés reposant sur le multiple langage en fonction de l’interlocuteur, de l’instant ou tout simplement de ses déboires internes, et qui illusionne par des attitudes et des positions présumées révolutionnaires, s’accaparant, pour lui tout seul, une récurrente référence à une légitimité puisée dans le fait colonial ? Comment aborder la scène internationale avec un adversaire qui, à la faveur de la guerre froide, s’est installé, en embrouillant tout et emmêlant tout, comme porte-parole d’un clan, préférant le clan à sa famille, à ceux qui l’ont soutenu, aidé et favorisé naturellement pour qu’il trouve sa place dans le concert des nations ? Enfin, comment comprendre la démarche d’un adversaire qui attise depuis trente ans un conflit qu’il a créé, dont il est le tuteur et le père nourricier, pour lequel il ne se considère ni intéressé ni partie, et pourtant, pour ce conflit, il a déjà perdu les avantages d’un pétrole à 10 et 30 dollars le baril et s’apprête à dilapider ceux du pétrole à 50 ou 60 dollars au détriment de son peuple et du développement de la région ?!!
Tout cela, aspects politique, psychologique, culturel confondus, la diplomatie marocaine l’a intégré pour répondre, depuis 50 ans, à l’ineptie, à un acharnement, à un harcèlement incompréhensible où rien n’a été épargné au Maroc, aux Marocaines et aux Marocains, et à ses institutions les plus sacrées ; le mot d’ordre étant pour cet adversaire, comme
l’a dit l’un de ses ambassadeurs: «gêner le Maroc, en tout lieu, en tout temps, pour toute question…» C’est dans cette arène atypique, cernée, identifiée et précisée, que la diplomatie marocaine mène son action, face à un adversaire qui, sous l’habit d’apparence du frère et du cousin, est un antagoniste implacable, insensible et obstiné.

Silence

La diplomatie marocaine, face à cet inqualifiable profil, face au clan, défait les mensonges, évente de funestes projets, dit la vérité, informe et convainc, un à un, ses partenaires et même les contradicteurs. Il est dit que notre diplomatie est prisonnière d’un long passé, gardienne de traditions qui n’épousent pas l’essor de cette nouvelle communication sans retenue. Cela est vrai car, dans le monde actuel, le silence est fatal. Mais dans l’attente d’une évolution où la règle du régulier combat est respectée, pour les temps actuels, où certains idolâtre la duperie, c’est heureux qu’il en soit ainsi, et qu’une certaine discrétion soit fondamentale pour une action franche et sincère. En effet, à y bien réfléchir, il n’est pas souhaitable que demain, dans un journal de Rabat ou Casa, nous lisions un éditorial tel que celui que Mohamed Benchicou a publié en avril 2001 dans son journal «Le Matin d’Alger», à propos de la diplomatie de son pays, l’accusant d’être une «diplomatie qui use d’une lourde et pataude roublardise paysanne». Que les paysans de notre pays nous excusent, mais la loyauté dans l’action et l’honnêteté intellectuelle de notre diplomatie vaut bien l’évocation d’un jugement… à priori pertinent, car, indubitablement, un directeur de journal tel que Mohammed Benchicou sait de quoi il parle.


Driss Ennahdi El Idrissi
Source: Maroc Hebdo

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