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Essais nucléaires: Une association de Figuig s'empare du dossier

De 1960 à 1966, la France a procédé à plusieurs essais nucléaires dans le désert algérien. Un dossier érigé au rang de priorité pour les gouvernements algériens successifs. La question était toujours inscrite sur l'agenda des réunions franco-algériennes. Ce n'est pas le cas pour le Maroc officiel. Et pourtant une association basée à Figuig a fait de ce très sensible dossier son cheval de bataille.

Nullement intimidée par l'enjeu de la question, elle monte au créneau et réclame crânement à l'Etat français des indemnisations. D'aucuns pourraient avancer que l'ONG s'aventure sur un terrain de sables mouvants. La manœuvre est loin d'être une diversion, mais elle se base plutôt sur de nombreuses données rassemblées par les membres de cette association sur le terrain. Le docteur Fadli Mustapha, membre de l'ONG, assure que «le nombre des habitants de Figuig atteints de cancer ou décédés suite à des tumeurs cancérigènes est alarmant», précisant au passage que «ce taux dépasse de loin ceux enregistrés dans les autres régions du pays à part le Rif». Les armes chimiques utilisées par les Espagnols y sont pour quelque chose. Assurément, les obstacles ne manquent pas, à commencer par celui de diligenter les équipes nécessaires afin de prouver scientifiquement que la population de Figuig a bel et bien été affectée par les radiations des essais nucléaires que la France a menés entre 1960 et 1966 dans le Sahara algé­rien.

A ce titre, sous couvert d'anonymat, un spécialiste marocain en nucléaire se montre très prudent en répondant à nos questions. Son argument, la demande d'indemnisation devra au préalable s'appuyer sur de nombreuses études scientifiques menées tant à Figuig que sur les sites des essais nucléaires en Algérie. Notre source affirme que «des paramètres doivent être pris en considération avant de pouvoir émettre un avis sur ce dossier. Il faudrait commencer par effectuer des visites sur les sites en question, étudier les directions des vents de l'époque et revoir les types d'explosifs utilisés lors de ces essais nucléaires». En clair, la mission de l'association de Figuig est loin d'être une sinécure. En l'absence d'un parapluie officiel, l'initiative de l'association de Figuig s'apparente plutôt à un parcours du combattant. La semaine dernière, Mustapha Mansouri, le président du Parlement, a brisé des années de silence officiel en demandant à l'Espagne d'indemniser les victimes des armes chimiques dans le Rif durant l'occupation espagnole, d'autant plus que le contexte le permet, le ciel étant gris entre les deux pays. Avec la France, c'est une autre paire de manches.

En extirpant ce dossier de l'étau de l'oubli, «notre objectif est de sensibiliser en premier lieu la société civile», avoue modestement Omar Saâdi.

Expérience algérienne: La diplomatie au service de la demande d'Alger

Pour faire valoir les droits des victimes des essais nucléaires français, l'Algérie a savamment joué sur deux fronts : le premier diplomatique et le second médiatique. Les deux convergent vers un seul objectif: amener la France sur le terrain des indemnisations. En 2007, un colloque est organisé avec la bénédiction des autorités de ce pays, réunissant des experts des quatre coins du monde, le tout appuyé par des témoignages des victimes survivantes et une visite sur le site de ces essais nucléaires, Reggane, dans le Sahara algérien. Soucieux de maintenir de très bonnes relations avec Alger, à quelques jours après la visite de Nicolas Sarkozy, été 2007, l'ancien ambassadeur de France à Alger, Bernard Bajolet, avait révélé que la France n'excluait pas une contribution matérielle pour le traitement des effets des essais nucléaires effectués durant l'époque coloniale. Un premier verrou venait de sauter. Il est connu que le président algérien a conditionné la signature du traité d'amitié avec la France par la reconnaissance des crimes commis par l'ancien colonisateur, dont notamment une réparation des victimes des retombées radioactives. Le 24 mars, Hervé Morin, ministre de la Défense français, a présenté un projet de loi d'indemnisation des victimes des essais nucléaires, après plusieurs décennies de tergiversations.

Mouhamed Jaâbouk
Source: Le Soir Echos

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