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Sommet de l'OCI. Le coup de pouce de Mohammed VI

Rencontres avec chefs d'Etat, affrètement de paquebot royal, actions caritatives, Mohammed VI met le paquet pour venir en aide à Abdoulaye Wade. Qu'aura-t-il en retour ?

Le titre trônait en Une d'un grand quotidien sénégalais : «Mohammed VI sauve le sommet de Wade». Le journal explique, en substance, que le 1 le sommet de l'Organisation de la Conférence Islamique (OCI) ne se serait pas tenu sans le coup de pouce marocain, et relève que Mohammed VI est bien le seul souverain à avoir fait le déplacement à Dakar, après le désistement du roi d'Arabie Saoudite, Abdellah Ibn Abdelaziz. «Les rumeurs sur l'éventuelle annulation de la visite du roi à Dakar sont sans fondements.

Mohammed VI savait que cela pouvait être utilisé contre lui après la dernière embrouille diplomatique entre les deux pays», estime un observateur. D'autant plus qu'à Dakar, Mohammed VI sait qu'il est en territoire conquis. «Cette visite est peut-être la sixième du genre au Sénégal. Le Maroc capitalise sur le côté spirituel, notamment à travers la tariqa tijania, pour servir ses intérêts économiques et politiques», explique un homme d'affaires marocain, installé à Dakar. Lors d'une séance à huis clos du sommet, Abdoulaye Wade aurait même déclaré à Mohammed VI, «Je suis le président du Sénégal, vous êtes le roi des Sénégalais».

Le Sahara, encore et toujours
Lors ce cette dernière visite, Mohammed VI n'a d'ailleurs pas chômé. Rencontres avec les dirigeants africains, visites de centres sociaux... «Le Maroc est aujourd'hui considéré comme le co-organisateur du sommet», confie un reporter marocain qui couvre les travaux du sommet de l'OCI. C'est que le Maroc a réussi de jolis coups médiatiques ces dernières semaines au Sénégal. Il y a d'abord eu le Marrakech, bateau royal autrefois résidence préférée de Hassan II lorsqu'il était en visite en Libye ou en Algérie. Selon des sources diplomatiques, le navire a entièrement été aménagé pour accueillir 800 personnes avec tout le service nécessaire. Abdoulaye Wade a même organisé une visite du paquebot chérifien, et ne s'est pas empêché d'avoir quelques pensées émues pour Mohammed VI.

Lors des travaux du sommet proprement dit, Mohammed VI a, là aussi, eu droit à un salon privé où se sont succédé plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement, parmi lesquels le président mauritanien et ceux de la Guinée Bissau et du Burkina Faso. Le lien entre toutes ces personnes ? «Le Sahara, répond ce membre du Corcas. Ces pays font tous partie de ce qu 'on appelle l'Afrique de l'ouest, celle que le Maroc a depuis toujours courtisée et privilégiée parce qu'elle constitue la ceinture sud, ou la base arrière, du Sahara occidental».

Cerise sur le gâteau, Mohammed VI a également reçu Ban Ki-Moon, le Secrétaire général des Nations Unies. «A quelques jours de l'ouverture des négociations de Manhasset, cette entrevue est tout sauf anodine. Mohammed VI en a certainement profité pour réaffirmer la bonne foi du Maroc mais également mettre l'ONU devant ses responsabilités quant à la construction par le Polisario d'installations dans la zone tampon de Tifariti», explique une source proche du ministère des Affaires étrangères. Tout au long du sommet cependant, Mohammed VI et Abdelaziz Bouteflika se sont soigneusement évités. «Normal, explique ce reporter présent sur place, leurs ministres des Affaires étrangères ont eu de vives discussions lors des travaux préparatoires du sommet, notamment au sujet de l'autodétermination quand, Fassi Fihri a souligné que l'autodétermination ne doit pas forcément remettre en question l'unité nationale de l'Etat».

Social Africa
Fidèle à ses habitudes africaines, Mohammed VI a décidé de prolonger sa visite au Sénégal. Tout au long du week-end, le monarque a sillonné la capitale en compagnie de l'épouse du président sénégalais et de leur fils, Karim Wade, présenté comme un grand ami de Mohammed VI. Le roi a même lancé une fondation locale : la Fondation alaouite pour le développement humain durable, une sorte de fondation Mohammed V pour l'Afrique. Premier projet lancé sur place : une clinique d'ophtalmologie dans la banlieue de Dakar. Ensemble, Mohammed VI et Karim Wade ont ensuite rendu visite au modeste siège d'une association de médecins marocains qui effectuent des opérations de cataracte. «Ils en ont fait plus de 165 ces derniers jours, et les gens viennent de partout, même de Gambie», explique notre reporter sur place.

«Il ne fait pas sous-estimer le Sénégal, explique cette source diplomatique marocaine. C'est un pays qui peut être déterminant dans notre relation avec d'autres voisins comme la Mauritanie et le Mali. En plus, le Maroc jouit spontanément ici d'un capital sympathie qu'il serait malheureux de ne pas exploiter». Soit, explique cet observateur, «mais il serait dangereux de négliger l'Afrique anglo-saxonne. Jusqu'à quand nous permettrons-nous de snober des puissances comme le Nigeria et l'Angola ? Jusqu'à quand les efforts de la diplomatie marocaine se limiteront-Us à l'Afrique francophone et déjà acquise ?», se demande-t-il. La question reste ouverte.

Driss Bennani
Source: Le Soir Echos

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