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PJD & PPS à la conférence sur les droits de la femme à Paris

C'est à Paris que s'est tenue une conférence sur les droits de la femme au Maghreb Vendredi 28 Novembre 2003 à l'Institut du Monde Arabe.
Une tribune entièrement constituée de femmes dont trois venues du Maroc. L'équipe de Yabiladi a recueillit pour vous les impressions et les commentaires des deux députées marocaines : Mme Nouzha Skalli du PPS et Mme Benkhaldoun du PJD.

Deux témoignages qui reflètent la dichotomie de la société marocaine sur la question de la femme.

Nouzha skalli : (députée parlementaire, Parti du Progrès et du Socialisme « PPS »)

Yabiladi.com : Quelles sont vos impressions après ce débat portant sur « la femme au cœur du changement au Maghreb » ?

Nouzha Skalli : Le débat était très riche, mais on a bien sûr une frustration ne pas pouvoir aller au terme de nos analyses. Nous avons touché à beaucoup de choses, mais l’essentiel est d’échanger des point de vues, ce qui nous a permis de voir la proximité des problèmes des femmes dans les trois pays (Algérie, Maroc, Tunisie).Avant, seulement la Tunisie jouissait d’un statut avancé pour les femmes, aujourd’hui le Maroc bascule positivement du bon côté, nous espérons que les changements intervenus au Maroc vont induire une réflexion en Algérie.
La question du voile avait toute sa place étant donné l’enjeu suscité en France.


Yabiladi.com : Quelle est votre position par rapport au projet de réforme de la moudawana, quelle est la position de votre parti PPS (Parti du progrès et du socialisme) ?

Nouzha Skalli : Le PPS avait soutenu sans réserve le plan d’intégration en 1999, d’autant plus que Mr Saadi (l’initiateur du plan) est membre du PPS, mais ce plan a échoué à l’époque sous la pression du mouvement islamiste. Le PPS est partie prenante de cette réforme depuis longtemps, moi-même je suis fondatrice de l’Association Démocratique des Femmes du Maroc (ADFM).
Nous avons également joué un rôle important auprès de la commission chargée par Sa majesté de la réforme de la moudawana en présentant notre mémorandum pour le droit des femmes (sociaux et politiques) devant cette commission.
Le fait que je vienne aujourd’hui vous dire que nous soutenons sans réserve le projet de nouveau code de la famille n’a rien d’étonnant, contrairement à ceux qui ont combattu le plan d’intégration de la femme au développement en 1999 et qui viennent vous dire aujourd’hui qu’ils soutiennent le nouveau projet.

Yabiladi.com : Vous voulez dire Le PJD ?

Nouzha Skalli : Oui. La rue a été montée contre ce plan par le mensonge et la propagande pour faire peur aux marocains. Certains ont même fait du porte à porte. Aujourd’hui le PJD adhère à la réforme car le contexte politique les y oblige. Après les attentats du 16 Mai ils se sentent affaiblis donc ils cèdent sur ce point.

Yabiladi.com : Vous avez déclaré lors de cette conférence que « le 16 mai nous a ouvert les yeux », êtes vous sûr de cela surtout après le spectacle donné par quelques membres du gouvernement lors des marchandages qui ont suivi les élections municipales, notamment M. Benabdellah (Ministre de la communication) ?

Nouzha Skalli : Justement beaucoup de gens ont retenu cette image, mais il ne faut pas oublier que ces élections se sont déroulées dans un climat de transparence, par la suite il y a eu beaucoup de marchandages, l’argent a circulé mais il y a eu aussi une mauvaise gestion de la part des partis politiques, je le nie pas. Les partis progressistes ont mal géré cette question, moi je n’ai pas de tabous à ce sujet. Le fait que Nabil Benabdellah manifeste une passion pour dénoncer ce qui s’était passé, je ne le juge pas comme étant négatif, il a voulu dénoncer les « magouilles ».


Yabiladi.com : la question du voile agite tellement la société française que le débat devient passionné et donc n’avance pas, qu’en pensez-vous ?

Nouzha Skalli : Je pense qu’il faut débattre sur cette question, bien sûr qu’il faut respecter les libertés individuelles mais je trouve que c’est faux de prendre la question du voile uniquement à travers les libertés individuelles, il faut démonter le système : le voile fait partie d’une stratégie qui consiste à dire que le voile est obligatoire en Islam. Les islamistes ont la stratégie des moratoires, au départ ils commencent par faire accepter le voile pour ensuite passer à autre chose.

Yabiladi.com : Vous avez montré un livre à la tribune pendant l’après-midi, il s’agit de « Bas les voiles », les propos de l’écrivain iranienne sont qualifiés par beaucoup de « haineux », n’avez-vous pas l’impression que le débat sur le voile masque d’autres rejets moins louables ?

Nouzha Skalli : Je n’ai pas suivi le débat concernant cet écrivain, mais il ne faut pas que ce débat masque les réalités sociales, les femmes immigrées sont exclues, marginalisées, reléguées dans des quartiers périphériques. Mais d’abord il faut démonter cette stratégie qui consiste à dire que le voile est obligatoire en Islam. Si la France opte pour une interdiction du voile, il faut revaloriser la condition de la femme immigrée et de lui donner l’occasion de s’exprimer plus dans la société française, si l’interdiction n’est pas choisie alors il faut donner l’occasion à ces filles qui le porte d’écouter d’autres thèses que celle qui prétend que le voile est une prescription islamique. Said Al Achemaoui (intellectuel égyptien) a démonté tous les arguments concernant l’obligation du voile avec des preuves religieuses.

Yabiladi.com : Notre préoccupation n’est pas le voile en tant que tel mais surtout les rejets qui se profilent derrière au nom de la laïcité, beaucoup de musulmanes ne portent pas le voile mais ne cautionnent pas le traitement actuel de cette question...

Nouzha Skalli : Je ne connais pas bien le débat en France, mais je peux dire que ce rejet vient de la méconnaissance. Est-ce qu’on peux être étonnés, nous musulmans, depuis des générations, que l’islamisme face peur ? moi quand je vois un barbus j’ai peur, ça fait froid dans le dos !


Yabiladi.com : Le père Noël ça passe ?

Nouzha Skalli: Je veux dire par là, il y a une agressivité du discours.



Soumia Benkhaldoun ( Députée parlementaire, Parti Justice est développement « PJD »)

Yabiladi.com : Quelle est votre position en tant que femme, militante féministe et membre d’un parti politique, par rapport au projet de réforme de la moudawana ?

Soumia Benkhaldoun : En tant que militante associative au sein du forum Azzahraa, qui regroupe une trentaine d’association de défense des droits de la femme et de la famille, nous avons énormément apprécié les grandes lignes du projet de réforme. La moudawana s’appellera désormais « code de la famille », c’est un point que j’ai toujours revendiqué personnellement, de même, la femme étant l’égale de l’homme, je ne vois pas pour quelle raison nous devons avoir un secrétariat d’Etat chargé de la femme. Le nouveau gouvernement l’avait renommer secrétariat d’Etat chargé de la famille, ce qui est une bonne chose.
La famille étant la cellule élémentaire de la société, nous devons renforcer sa cohésion. Nous avions demandé que l’approche des droits de la femme tienne compte de la famille de manière générale. La nouvelle moudawana « code de la famille » est liée au référentiel islamique de manière explicite, dans le discours royal, chaque réforme a été reliée aux preuves, soit à partir du coran ou de la sunna, nous avons beaucoup apprécié cela. Pour le PJD, dés le lendemain du discours nous avons fait un communiqué mentionnant notre satisfaction, les médias occidentaux avaient déclaré l’inverse !


Yabiladi.com: Nous sommes un peu étonné de voir le PJD applaudir ce projet de réforme alors qu’en 1999, vous aviez rejeté un projet moins ambitieux que l’actuel en mobilisant la rue!

Soumia Benkhaldoun : Nous n’étions pas seul à rejeter le projet de 1999, les oulémas, le ministère des habous (affaires religieuses) et les autres mouvements (Front religieux) avaient manifesté également leur refus. On retient le PJD car c’est un mouvement politique structuré, toutes les critiques se sont cristallisés autour de ce parti.

Mais il faut bien comprendre les raisons, nous avions deux reproches :

- l’absence du référentiel islamique : l’introduction du projet laissait entendre que le développement des droits de la femme ne pouvait se réaliser qu’en mettant à l’écart le référentiel islamique, seuls les conventions internationales étaient considérées comme la source. Pour nous l’islam n’est pas en contradiction avec les conventions internationales mais parfois elles peuvent comporter des dérives, notamment sur les limites de droits de l’individu.

- Le plan de 1999 a été appelé, plan national alors que les associations de gauche en concertation avec le ministre chargé de la femme ont élaboré ce plan sans aucune concertation ni avec le PJD ni avec les associations à caractère « islamique ».

Par la suite nous avions demandé soit un référendum soit l’arbitrage du Roi. Suite à la création de la commission pour la proposition d’un projet, nous avons été entendu comme tous les mouvements du pays (associations, partis politiques…).
Nos demandes ont été satisfaites par le nouveau projet, le référentiel islamique est réaffirmé, les oulémas ont été consultés. Le PJD ne peut pas contredire les oulémas.
Je vous rappelle que le plan de 1999 ne concernait pas uniquement le statut de la femme, il incluait également la liberté sexuelle des adolescents. Mais si on se tient au statut de la femme nous étions opposé au partage des bien après le divorces en part égale entre les époux, nous considérons que le partage des biens doit respecter la manière dont ces biens ont été constitués.
Sur la polygamie, l’ancien plan demandait l’abolition, alors que pour nous la polygamie peut présenter une solution et pas un problème pour certaines familles qui ne souhaitent pas le divorces. Le nouveau projet laisse une petite porte aux dérogations.
Le seul point qui me pose problème dans le nouveau projet, c’est l’abolition du tutorat. Vous connaissez la société marocaine, le mariage représente une alliance de deux familles. Personnellement, je ne me vois pas accepter le mariage de ma fille si un jeune homme se présente sans famille ! le tuteur honore la femme et non l’inverse, en Islam le tuteur a un rôle de protection et non pas un rôle d’oppression.
Du point de vue de l’islam, il n’est pas interdit de ne pas avoir de tuteur, cette possibilité existe dans d’autre rites musulmans que le rite malikite, de plus l’islam considère que lorsqu’il y a débat, le commandeur des croyants peut trancher et le résultat de son « Ijtihad » est admis. Mais personnellement c’est le côté social qui me dérange, j’ai une fille de 18 ans je ne me vois pas accepter son mariage avec n’importe qui sans pouvoir dire un mot !


Yabiladi.com: Quel est votre regard sur le débat actuel autour de la laïcité en France ?

Soumia Benkhaldoun : Comme tout marocain, nous aimons la France, nous sommes attachés aux valeurs de liberté et d’égalité qui caractérise la France. La débat actuel constitue une régression notable. L’acharnement sur quelques jeunes filles démontre un malaise de la société française. Il n y a pas un parti politique des voilées en France ! Au Maroc nous avons des femmes voilées dans tous les partis politiques de gauche comme de droite. Il est vrai que le PJD comporte plus de femmes voilées que les autres partis mais nous avons des membres non voilées.

Yabiladi.com : Vous affirmez être d’accord avec certaines valeurs occidentales, que pensez-vous du nouveau livre de Nadia Yacine qui rejette de manière violente l’occident ?

Soumia Benkhaldoun : Je n’ai pas encore lu son livre, je connais Nadia Yacine à travers certains de ses écrits et je ne pense pas qu’elle rejette toutes les valeurs de l’occident. La mouvance « Al Adl wal ihssane », rejette beaucoup de choses, je n’arrive pas à comprendre parfois leurs déclarations. Par exemple sur le projet de réforme du code de la famille, Nadia Yacine a fait part de sa satisfaction à un journal, le lendemain sur Al Jazeera, elle déclare qu’il ne s’agit que d’un maquillage !

Rachid - Yabiladi.com

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