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MENA : Le Maroc, un pauvre qui attire les riches de la région

Le budget du Maroc se décide à des milliers de kilomètres de Rabat. Le pétrole mène le jeu. L’envolée des cours s’installe dans la durée. Les experts projettent un prix minimum du baril au-dessus de 50 dollars jusqu’en 2008. Voilà au moins une visibilité sur les contraintes budgétaires des prochaines lois de Finances.

Cette envolée des prix du baril de pétrole a toutefois permis une «spectaculaire» croissance de la région Mena (Moyen-Orient et Afrique du Nord)(1). C’est la Banque mondiale qui le dit dans son dernier rapport sur les «développements récents et perspectives économiques» de la région.

Cette hypercroissance est enregistrée pour la troisième année consécutive, c’est-à-dire depuis «l’intervention» américaine en Irak, intervention qui a déchiré le pays. Mais évidemment c’est le pétrole qui fait la différence des taux de croissance dans la région.

· Secteur financier et économie: hiatus
La région Mena a une croissance moyenne de 6% en 2005, 5,6% en 2004, principalement grâce aux performances des pays exportateurs de pétroles(2). Dans les années 90, la croissance moyenne était de 3,5%. La région affiche la performance la plus élevée depuis les années 70!
Dans ce vaste ensemble, avec qui les Etats-Unis veulent faire une zone de libre-échange à l’horizon 2013 (Middle east partnership initiative), le Maroc se trouve dans la catégorie «économies pauvres en ressources»(3). Il ressent les répercussions négatives de la hausse des prix de pétrole. Comme les pays qui n’ont pas l’or noir, il a adopté des mesures d’ajustement à court terme (hausses successives des prix à la pompe) au prix du pétrole, «mais la crainte des conséquences éventuelles sur la pauvreté a découragé des réformes plus ambitieuses». Et du côté des pays producteurs, «la manne financière a retardé la prise de conscience de l’urgence des réformes».

Mais une nouvelle configuration ressort aujourd’hui. Les pays du Golfe, que les experts tancent d’habitude pour leurs attitudes de «flambeurs», repensent leur croissance. Sans doute les graves tensions du Moyen-Orient y sont-elles pour quelque chose. A moins que le changement de ton de la Banque mondiale n’ait d’autres soubassements.
«Les caractéristiques de la croissance sont de plus en plus harmonisées traduisant une tendance vers l’adoption des stratégies de développement communes». De ces comportements nouveaux la BM retient «une rigueur budgétaire remarquable», la constitution de liquidité par les réserves extérieures, des fonds de stabilisation, et remboursement des dettes. «Ils appliquent aussi des stratégies communes de diversification de la manne pétrolière en investissant dans des actifs étrangers, en tant que moyen de transformer cette richesse finie en ressources de revenu à plus long terme». Au Maroc cela est évident. Le rapprochement du Royaume avec les pays du Golfe sur le plan économique est éminemment stratégique. Il s’agit de se développer ensemble.

· 75% des investissements autofinancés!
Le Maroc et les pays du Golfe ont vraiment revisité leur relation. Les montants investis par Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweït, l’Arabie saoudite, font changer de dimension au Maroc. Les projets se chiffrent en milliards de dollars. La nature des relations change aussi: ce n’est plus uniquement l’appartenance à une même communauté qui rapproche les deux extrêmes de la région Mena, mais la conscience de l’urgence d’un codéveloppement, en dehors de toute pression étrangère. Le choc pétrolier a eu des retombées financières, venues jusqu’aux rives du Maroc. Liquidité abondante alimentant une croissance rapide du crédit, expansion des marchés boursier et immobilier en plein essor.

Toutefois, relève la BM, il y a un «hiatus entre le secteur financier et l’économie privée réelle», lequel hiatus aura été bien soulevé par la Banque centrale du Maroc dans son rapport annuel. Peu d’entreprises privées ont accès aux surliquidités. Selon les enquêtes sur le climat des investissements dans les pays de la région Mena, plus de 75% des investissements des entreprises privées sont autofinancés par les bénéfices non distribués. Ce qui montre que la région est financièrement peu développée, un paradoxe au pays des pétrodollars…

(1) Algérie, Arabie saoudite, Bahreïn, Cisjordanie et Gaza, Djibouti, Egypte, Emirats arabes unis, Iran, Irak, Jordanie, Koweït, Liban, Malte, Maroc, Oman, Qatar, Syrie, Tunisie et Yémen
(2) Pays producteurs de pétrole: Algérie, Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Iran, Irak, Koweït, Libye, Oman, Qatar, Syrie, Yémen
(3)Les «économies pauvres en ressources» de la région sont: Cisjordanie et Gaza, Djibouti, Egypte, Jordanie, Liban, Maroc et Tunisie


Source : L'Economiste

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