La petite orange marocaine a tout d’une grande! Les Etats-Unis, avec l’ouverture du marché ainsi que les ravages du cyclone en Californie sur les cultures arboricoles, lorgnent l’agrume made in Morocco… Et les professionnels s’organisent pour faire face à la demande.
Ce sont particulièrement les clémentines et les sanguines qui sont convoitées, explique l’Apefel (Association des producteurs et exportateurs de fruits et légumes), deux variétés d’agrumes que les Américains ne produisent plus depuis belle lurette.
Ainsi, les professionnels constatent «un réel engouement» de la part des agriculteurs pour ce type d’arboriculture, explique Kamal Bennouna du département Développement agricole de l’Ormvag (Office régional de mise en valeur agricole du Gharb).
Par ailleurs, l’Usaid (the United States Agency for International Development) et l’Ormvag finalisent actuellement un partenariat sous forme de plan d’action sur trois ans (accompagnement financier, ateliers avec les producteurs, mise à niveau...) afin de promouvoir les exportations de la clémentine marocaine vers le sol US.
L’enthousiasme des producteurs pour cette niche serait tel que l’Ormvag mise plus de 50% de ses ressources sur la reconversion des agriculteurs dans ce créneau pour le moins juteux, selon eux. «On essaie de profiter de cette manne que représentent les accords avec les Etats-Unis. Ils veulent la clémentine du Maroc, on essaie d’encourager les producteurs à aller dans ce sens», indique Kamal Bennouna. Ainsi, une batterie de mesures a été mise en place par le gouvernement pour promouvoir ce type de culture, notamment sur le plan financier. Des incitations à l’investissement ont été prévues par l’Etat. Les producteurs toucheront donc 7.800 DH par hectare et 2.000 autres pour une irrigation au goutte-à-goutte, indique Bennouna. De quoi prendre un bon démarrage. A noter que dans les dernières mesures prises par le gouvernement pour soutenir la campagne agricole 2006, un large pan est consacré au soutien des agriculteurs pour le développement de cultures alternatives, et donc leur reconversion vers d’autres plus rentables. Entendez celles moins tributaires des aléas climatiques ou dont la production est plus recherchée à l’international. Pour le moment, suite aux pluies enregistrées ces deux derniers mois, les agriculteurs ont le moral… le secteur financier confirme. Le Crédit Agricole indique en effet qu’un plus grand nombre de crédits a été sollicité par les agriculteurs suite aux dernières gouttes tombées.
Comme la médaille a son revers, l’Office évoque, par contre, un enthousiasme tel qu’il devient particulièrement compliqué de satisfaire la demande en matière première: les plants certifiés. «Les pépiniéristes demandent des commandes avec au moins six mois d’avance. Nous sommes en train de négocier pour qu’ils augmentent le nombre de leurs plants».
Les marchés sont là, reste à maintenir, par ailleurs, la qualité, indique le secteur. Le marché US étant extrêmement exigeant, notamment en ce qui concerne les normes (traçabilité, ISO…).
Pour le riz, ça va craindre
Les accords de libre-échange (Etats-Unis, Turquie, pays arabes) peuvent aussi faire mal à certaines productions d’un secteur. Le cas de la volaille, dans le cadre de l’ALE avec le marché US, en est un bon exemple (cf. www.leconomiste.com). Si le cas de la clémentine est une aubaine… pour le riz, en revanche, ça se complique!
La région du Gharb est la seule zone agricole à produire cette céréale au Maroc. Et si pour le moment, rien n’est à signaler, il se pourrait que la donne change d’ici quelque temps. «Nous avons de fortes craintes en effet, pour l’évolution de ce marché dans les 4-5 ans à venir», avoue Bennouna, dont l’Office gère la région du Gharb. C’est en effet suite aux ALE avec les pays arabes que la culture du riz serait en danger, selon l’Ormvag. Le Maroc devra, dans ce cas, affronter l’Egypte sur ce marché notamment. Sauf que le Nil offre l’eau gratuitement aux producteurs et que le Maroc facture l’or bleu… 3.800 DH par hectare. Autant dire que la note est salée.
Selon les professionnels, «seuls les plus performants arriveront à tirer leur épingle du jeu». Soit ceux qui produisent près de 110 quintaux par hectare. Les petits devront, eux, se reconvertir ou se mettre à niveau en adoptant les techniques requises (date de semi, produit chimique, etc.). Les professionnels qui les aiguillent pensent, pour la reconversion, aux cultures maraîchères, à la tomate industrielle (à base de transformation)… entres autres.
Céline PERROTEY
Source : L'Economiste