Mustapha Haddouch n’est pas du genre à croiser les bras et attendre. A la tête de Haddouch Gourmet Imports, il n’en est pas à sa première aventure. Arrivé aux Etats-Unis pour des études il y a une vingtaine d’années, il a réussi à faire découvrir à pas mal de gens la culture marocaine et ce, à travers sa cuisine.
Employé dans un restaurant, il a aussi convaincu son chef américain de faire un voyage initiatique au Maroc pour connaître les saveurs et arômes du pays. Installé à son compte, il décide de suivre le même chemin en important des olives marinées, de la harissa, des câpres, mais aussi de l’huile d’olive qu’il écoule sur le marché américain. Il est même cité par les revues spécialisées américaines comme une référence en matière de mets marocains. “Il existe une grande demande aux Etats-Unis pour les produits marocains considérés comme exotiques”, note Haddouch. Le marché des produits alimentaires haut de gamme est dominé en particulier par les produits japonais et surtout italiens.
L’huile d’olive italienne jouit d’une bonne réputation, en raison de la forte communauté italienne, peut-être, mais aussi en raison d’une qualité rigoureuse. “Le nom du Maroc est vendeur, mais la qualité du produit ne suit pas toujours”, se désole le gérant de Haddouch Gourmet Imports.
L’huile d’olive marocaine n’a pas une saveur stable, elle varie en fonction des récoltes, des précipitations et aussi de “l’humeur” des presseurs. “Chaque étape est d’une importance capitale pour arriver à avoir une huile d’olive de qualité, or, peu d’agriculteurs arrivent à bien faire”, note Haddouch.
D’abord, la cueillette doit se faire à la main, et non en tapant sur les branches de l’arbre avec des bâtons. Cette manière de procéder, la plus répandue, blesse les olives et les branches, mettant en péril la santé de l’arbre. Ensuite, les olives doivent être pressées dans la minute qui suit leur cueillette.
Ceci afin d’éviter que le fruit ne macère dans son jus. C’est le non-respect quasi systématique de cette opération qui explique le goût souvent légèrement rance de l’huile d’olive marocaine. Dernière étape, le broyage doit se faire avec soin, en évitant de faire chauffer les fruits, ce qui est appelé dans le métier “première presse à froid”, c’est ce qui donne l’huile d’olive vierge. “Difficile d’écouler une telle huile sur le marché américain, qui recherche un goût stable et neutre”, affirme Haddouch.
Malgré toutes ses recommandations, Haddouch se retrouvait à chaque fois avec la même huile. Commençant à perdre des clients, il décide de venir installer sa propre presse à huile. Suite à un partenariat infructueux et un fâcheux accident de circulation, il se retrouve au point de départ: sans un sou. Dernièrement, il a réussi à trouver des bailleurs de fonds américains. Avec cette rentrée d’argent frais, il décide de continuer son projet d’unité de presse moderne.
Mais la déception est toujours de mise. “Nous recevons peu d’aides de la part des autorités marocaines, pour ne pas dire aucune”, se plaint Haddouch.
Conteneurs bloqués pour des formalités administratives, aucune aide matérielle ni subvention pour la distribution de ses produits. “Il serait infiniment plus facile pour moi d’importer de l’huile de Tunisie et de la vendre comme étant de l’huile marocaine”, explique Haddouch. Et le gérant de la marque “Mustapha’s” n’est pas le seul dans cette situation. D’autres Marocains, excédés par les entraves à l’export et le manque de rigueur des fournisseurs locaux au Maroc, ont décidé de chercher des fournisseurs ailleurs. Un commerçant en faïence d’origine marocaine a eu l’idée de prendre les produits marocains et de faire commander des imitations en Chine. Il disposerait, selon Haddouch, de produits de qualité à moindre prix. Un autre commerçant en maroquinerie a décidé de partir au Mexique fabriquer ses articles.
Sorry, vous avez dit Monaco?
Traité de libre-échange ou pas, le Maroc reste un pays méconnu aux Etats-Unis. “Monaco?”, telle est le plus souvent la réplique que vous entendrez si vous dites que vous êtes du Maroc.
Le sourire d’étonnement se transforme vite en attention quand vous leur dites que le Maroc est le premier pays à avoir reconnu la naissance de la jeune fédération américaine au XVIIIe siècle et qu’il donna deux lions et une giraffe en guise de cadeau au Sénat américain. Ces bribes d’histoire et d’autres serviraient à faire connaître un pays qui aspire à mieux commercer avec le premier marché du monde.
Le Maroc aura à se battre pour des parts de marché sur des niches déjà exploitées, surtout en matière de produits agricoles, ou encore en sous-traitance.
Ali ABJIOU
Source : L'Economiste