Menu

Entreprise : De l’anticorruption à la concurrence loyale

«Tenons-nous bien la main, pour ne pas être emportés par cette terrible vague et allons-y, avançons”. C’est par cette phrase que la journaliste Farida Moha a conclu les travaux de l’activité de Transparency Maroc, jeudi soir à Casablanca. Sa formule correspondait bien à l’esprit des travaux: une remobilisation.

Sous un thème plutôt banal, “le rôle de l’entreprise dans la promotion de la transparence”, l’association a voulu relancer ses activités dans les secteurs économiques et approfondir ses liens, déjà importants avec la CGEM et ses fédérations. Ont, notamment, participé aux travaux Karim Tazi, président de l’Amith (Association marocaine de l’industrie du textile et de l’habillement), Mohamed Soual, directeur général de Gemadec et qui représentait la CGEM, Taha Benmlih, secrétaire général de la Fédération des industries minières, Bachir Rachdi, président de l’Apebi (Association des professionnels des technologies de l’information) et Mostafa Meftah, directeur délégué de la FNBTP (Fédération nationale du bâtiment et des travaux publics).
La présence de ces associations indique l’intérêt que les entreprises portent à la question. En fait, soulignent l’Apebi et la FNBTP, “il ne s’agit pas de morale mais d’affaires et de concurrence loyale”. Incidemment, Bachir Rachdi fait une analyse des associations, qui a fortement intéressé Karim Tazi.

Jusqu’à il y a peu, dit Rachdi, les associations étaient des organes servant à défendre les intérêts de leurs membres les plus puissants. “Des intérêts légitimes, légaux ou illégaux”, lancera quelqu’un dans la salle (Mohammed M’jid ou Belkacem Boutayeb?) faisant rire tout le monde. “Elles servaient donc des intérêts que l’on peut appeler des rentiers”, dit Rachdi.

Il pense qu’aujourd’hui une évolution se fait, et que les associations cherchent à servir les intérêts de leur secteur. “C’est tout à fait ça”, note Tazi, qui approuve Rachdi lorsqu’il souligne que cette évolution conduit à demander l’application de la concurrence loyale.
Et le tour est joué: les entreprises deviennent les premières à réclamer de lutter contre la corruption.

Evidemment, cela ne fait plaisir à personne dans le monde économique que le Maroc ait reculé de 40 places au niveau du classement fourni par l’indice de la perception de la corruption (IPC). De plus, selon une enquête menée au niveau national, 95% des chefs d’entreprise disent que “la corruption gagne du terrain”. Deux constats alarmants. Selon Azzeddine Akesbi, secrétaire général de Transparency Maroc, “la corruption fait perdre au Maroc entre 1 et 2% du PIB”. Ses tentacules touchent à tous les secteurs sensibles de la société et hypothèquent gravement ses chances d’épanouissement. Pour le Pr. Miloud Dkhissi, membre de Transparency Maroc, les impacts négatifs de la corruption consistent en “l’incapacité des pouvoirs publics à répartir équitablement les ressources”. Il en résulte, dit-il, une diminution des investissements étrangers. Il souligne un phénomène de cercle vicieux: “la corruption du système judiciaire réduit considérablement la capacité de l’Etat à juguler la corruption”.

L’architecte Ouazzani, qui représente son ordre professionnel, explique le développement d’un phénomène dramatique: l’exclusion des professionnels marocains des contrats et marchés passés au Maroc même. Parce que l’image de pays corrompu grandit, les entreprises étrangères préfèrent amener leurs propres cadres et experts plutôt que de faire appel aux compétences locales. “Et c’est l’exclusion pour beaucoup de professionnels”, conclut-il. Cela ne vaut pas seulement pour les architectes, indique L’Economiste, qui rappelle la laborieuse mais réussie entrée des professionnels marocains dans les grands marchés de travaux ou d’expertises (comptabilité, audit, génie civil, arbitrage…). “Cette réussite est aujourd’hui menacée par la mauvaise image qui s’est développée à propos de la corruption au Maroc”, analyse L’Economiste. Les associations professionnelles ont donc convenu de travailler de concert pour rétablir ou établir des règles de concurrence plus loyale, règles qui débouchent sur la lutte contre la corruption.


Pour la convention des Nations unies

Transparency Maroc fait circuler une pétition pour la ratification de la Convention des Nations unies contre la corruption. Cette convention a été signée par le Maroc, en décembre 2003, à Mérida au Mexique.
Elle définit la corruption et indique les mesures obligatoires, ainsi que les mesures facultatives que doivent prendre les Etats membres. Toutes les mesures obligatoires et l’essentiel des mesures facultatives existent déjà dans les textes marocains. La ratification de cette convention permettrait cependant d’améliorer l’image du Maroc, image qui a été très abîmée au cours de ces dernières années: le Royaume a chuté de 40 places pour tomber à la 77e place dans le classement mondial des pays qui ont le plus la réputation de pratiquer la corruption.
La pétition est disponible auprès du siège de l’association Transparency Maroc, à Casablanca (renseignements: [email protected]).


Information et procédures: Des traîtres

«Trop d’informations tue l’information», rappelle Mohamed Soual. Approuvé par la salle, il explique que ce n’est pas en multipliant les informations qu’à tous les coups, on va réduire les risques de corruption. Il ajoute que “le choix des personnes, porteuses d’éthique, est très important”. Soual, évoquant Enron mais aussi le CIH (dont il vient), met en garde: “Le formalisme des procédures ne garantit pas la protection contre la corruption”. Parfois, ajoute les secrétaire général de Transparency, Akesbi, ce formalisme cache la corruption.

Morad EL KHEZZARI
Source : L'Economiste

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com