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Dans quatre ans plus de barrières douanières entre le Maroc et l'Europe

Le compte à rebours pour la levée totale des droits d’importation sur les produits européens a commencé. Dans quatre ans, à compter du 1er mars 2012 exactement, les marchandises d’origine européenne, à l’exception de la famille des produits qui font encore l’objet des tractations plutôt difficiles entre les deux parties, les barrières douanières auront vécu.

Pour l’essentiel, tous les produits seront à 0% des droits d’importation (DI), à ne pas confondre avec les droits de douane qui intègrent aussi la TVA à l’import dans la base de calcul. Bien entendu, la taxe sur la valeur ajoutée restera toujours en place. Et au vu de la frénésie de la demande des biens importés, cet impôt représente encore une source importante des recettes budgétaires...
Rabat et Bruxelles devront encore trouver un accord acceptable des deux côtés sur les produits agricoles, agro-industriels et de la pêche, un secteur ultra sensible côté marocain de par ses implications dans la politique agricole. Le Maroc et l’Union européenne se sont engagés dans des négociations difficiles pour l’établissement d’un accord global sur ces questions, pour l’instant, sans perspective de compromis. Le dernier round a eu lieu à Rabat le 18 décembre 2007.
Selon les calculs des services centraux de la douane, les moins-values au titre des droits d’importation générées par l’accord avec l’Europe depuis son entrée en vigueur il y a tout juste 8 ans s’élèvent à 20,6 milliards de dirhams, avec une accélération à partir de mars 2003 à 2,5 milliards de dirhams pour atteindre un pic de près de 6 milliards l’an dernier. Si ce «manque à gagner» est imputable à la poussée de la demande des biens de consommation et d’équipement à l’import, la suppression du dispositif des prix de référence en juillet 2002 a surtout permis de l’accélérer. A nuancer toutefois car ce que le Trésor « perdait» en recettes douanières se retrouvait dans le rendement de la TVA à l’import, et indirectement, à travers la compétitivité des entreprises.

Par famille de produits, ce sont les biens de consommation courante, d’équipement et les demi-produits qui ont profité de la baisse des droits de douane. Cela va du téléviseur, aux appareils électroménagers en passant par les téléphones portables, le gros outillage industriel jusqu’à l’automobile (voir encadré ci-dessous). Si la détente tarifaire a touché quasiment l’ensemble des produits, la répercussion sur les prix de vente au détail n’a été que peu ressentie par le consommateur à l’exception des biens sur lesquels existe une réelle compétition ou ceux dont le gain technologique a fait fondre les prix. Sur les réfrigérateurs, les lave-linge, les appareils de cuisson, les téléviseurs, les appareils de téléphonie, la baisse des prix moyens est nette. En revanche, on ne peut en dire autant des voitures dont les prix ne semblent guère baisser en dépit d’un régime préférentiel dans le rythme de l’abolition des droits à l’importation. Et ce ne sont que deux exemples parmi tant d’autres.

Le démantèlement des tarifs douaniers sur les voitures importées de l’Union européenne s’est accéléré depuis le 1er mars 2007 avec l’application du palier de 15%, palier qui va s’appliquer jusqu’à l’extinction totale des droits d’importation le 1er mars 2012. La base initiale de 32,5% baissait de 3% par an jusqu’en mars 2007 avant de passer à 15%. En principe, l’accélération du démantèlement douanier devrait profiter aussi au consommateur si cette baisse était répercutée sur le prix de vente.

La profession a demandé la généralisation du même schéma à toutes les importations quelle que soit leur origine. Le différentiel des tarifs douaniers entre les véhicules provenant de l’Europe et ceux du reste du monde est pénalisant au point où le Maroc se transforme presque «en gendarme de la production européenne», selon l’expression des responsables de l’Association des importateurs des véhicules automobiles du Maroc (Aivam). Cet écart serait plus élevé que celui que l’Europe applique aux produits non européens. Il est de 23% alors qu’en Europe, le différentiel des droits de douane est de 8 points.
La hausse de l’euro est un nouvel allié des importateurs marocains. Le renchérissement de la devise européenne se traduit mécaniquement par la réduction des droits de douane sur les importations de véhicules automobiles.

Le débat sur la rétention des marges est remonté jusqu’au gouvernement, le ministre des Affaires économiques, Nizar Baraka, s’étonnant du peu d’empressement de certains secteurs à transférer une partie des gains issus du démantèlement douanier au consommateur. Au quartier général de la douane à Hay Riad à Rabat, l’amaigrissement de la fonction financière est attendu avec zen attitude par le management, «même si l’obligation de faire du chiffre» ne va pas disparaître comme par enchantement. Les objectifs de recettes figureront toujours en bonne place dans le cahier des charges fixé par le gouvernement. Pour le reste, la perspective de la levée totale des droits d’importation avec l’Europe marquera surtout une étape décisive dans le processus de recentrage de cette administration, processus commencé en 2000, à l’entrée en vigueur de l’Accord d’association avec l’Union européenne, martèle la direction.

C’est donc toute une nouvelle culture d’entreprise qu’il va falloir greffer. A la mission financière et de renflouement du Trésor, les services douaniers déplaceraient un peu plus le curseur de leurs interventions vers la mission d’accompagnement des entreprises et de soutien à la compétitivité des opérateurs économiques, explique Khadija Chami, directrice de la Prévention et du contentieux. Mais il faudra l’appui politique à l’institution pour réussir cette mutation, prévient le secrétaire général de l’Organisation mondiale des douanes (OMD), Michel Danet. Comprenez: donner les moyens de renforcer l’action qualitative à la douane plutôt que de lui exiger toujours plus de recettes pour le budget. A bon entendeur...

Ça coince sur l’harmonisation des nomenclatures
L'article 30 de l’accord d’association Maroc-Union européenne prévoit l’utilisation de la nomenclature combinée (NC) dans les échanges des marchandises entre les deux parties. Pour la mise en oeuvre de ce dispositif, l’Administration des douanes a procédé à des travaux d’adaptation du tarif marocain à la nomenclature de l’UE et le projet a été communiqué aux départements techniques pour appréciation.
Le travail technique (douanier proprement dit) a été achevé, mais certains départements (en particulier l’Industrie et l’Agriculture) ne l’ont pas encore validé dans sa totalité car le Maroc et l’UE ne retiennent pas toujours les mêmes normes et critères pour définir certains produits. Il s’agit donc, pour ces départements d’apprécier le projet de nomenclature qui leur a été soumis à la lumière et de la législation marocaine et de celle de l’Union européenne. Or, la législation communautaire est très dense et complexe; ce qui a amené la Commission européenne à proposer son assistance pour accompagner le gouvernement dans ce processus.

La mission des experts que dépêchera Bruxelles sera programmée dès communication à la Commission des questions en cours de finalisation par les départements de tutelle; sachant qu’un inventaire des deux tiers de ces questions a été effectué. Ceci étant, même si cette nomenclature entre en vigueur, des divergences d’interprétation peuvent surgir, explique El Aid Mahsoussi, directeur des Etudes et de la Coopération internationale à l’Administration des douanes et des impôts indirects. C’est pour cette raison que des ponts sont à établir entre les douanes marocaines et l’institution européenne chargée du classement des marchandises dans la nomenclature combinée, poursuit-il.

2/3 du travail fait
L’élaboration de cette nomenclature par le Maroc a pris un peu de retard car elle nécessite des adaptations de sa législation aux normes européennes. Les termes ne renvoient pas toujours à la même terminologie. A titre d’exemple, la définition des chevaux reproducteurs de race pure ou les critères retenus pour définir les différentes catégories d’huile d’olive, ne concordent pas tout le temps.

Valeur aujourd’hui, les travaux engagés avec les différents départements ont permis la finalisation des deux tiers du travail. Toutefois, lorsque cette nomenclature combinée entrera en vigueur pour le Maroc, des divergences d’interprétation peuvent surgir. C’est pour cette raison que préalablement à l’entrée en vigueur, de cette nomenclature, des ponts sont à établir entre l’Administration des douanes marocaines et l’institution européenne chargée du classement des marchandises dans la nomenclature combinée.

Evidemment, il arrive que des importateurs les invoquent à l’occasion d’opérations de dédouanement, et dans ces cas, les informations techniques y mentionnées sont prises en considération pour l’examen du dossier. Ceci étant, tant que le Maroc et l’Union européenne disposent chacun d’une nomenclature pour le classement des marchandises, des divergences sur les données statistiques continueront à exister.

Abashi Shamamba
Source: L'Economiste

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