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Crédits immobiliers: Hausse fatale des taux

Après plusieurs mois de spéculation, banquiers, promoteurs immobiliers et analystes sont unanimes: la hausse des taux immobiliers est inévitable. Plusieurs d’entre eux se prononcent même sur l’ampleur et le timing de cette hausse. Au lieu de 5,07% actuellement, le taux de référence pour les prêts à long terme (plus de 7 ans) devrait passer à 6%, voire plus.



Cette hausse est attendue pour le prochain ajustement des taux de crédit à l’économie en janvier 2008. Mais rien de cela n’est encore certain. «Parler de 6% est bien beau. Il faut compter l’augmentation des besoins du Trésor et les impacts sur l’économie dans sa globalité», explique Amine Amor, responsable trading marchés monétaire et obligataire, chez BMCE Capital Markets. Le relèvement des taux immobiliers n’a aucun lien avec la bulle immobilière ni la spéculation sur le foncier. Ce sont les marchés obligataire et monétaire qui en sont à l’origine.

Les tarifs affichés dans les guichets bancaires sont, pour rappel, indexés sur les taux d’émission des bons du Trésor. Ces derniers représentent le niveau de risque zéro auquel s’ajoute une prime de risque (plus ou moins 2%) en fonction du profil de l’emprunteur. Cette méthode de calcul ne se limite pas aux financements immobiliers. Elle est valable pour l’ensemble des crédits à l’économie.

Après de longues années de baisse, les bons à 5 ans, qui constituent la base des crédits à court terme, sont à 3,15% sur le marché primaire, où se déroulent les émissions des titres souverains. Les analystes sont unanimes à dire qu’ils se rapprocheront davantage des 4%. En l’absence d’adjudication, les taux primaires longs (référence des crédits immobiliers de plus de 7 ans) n’ont pas bougé depuis février 2007. Ils demeurent cantonnés à 3,4% pour les bons de 10 ans et 3,69% pour ceux de 15 ans. Mais si adjudication il y a, ce qui ne devrait pas tarder, les analystes prévoient un bond significatif de ces indicateurs.

Le point supplémentaire de taux d’intérêt signifie une hausse systématique des mensualités, pour les crédits à taux variables (voir encadré). Il s’agit de plus de la moitié du portefeuille du système bancaire.

Les quelques centaines de DH d’augmentation ne constituent pas un fardeau pour les grosses bourses. Ce sont les salaires moyens qui en feront plus les frais. La situation deviendrait même critique pour les ménages dont les dettes se rapprochent de la part légale maximum du revenu (50%). «Ceux-ci peuvent même se retrouver en cessation de paiement», prévient un banquier. Heureusement que la majorité des crédits Fogarim sont accordés à taux fixe. Sinon, la population cible serait la plus affectée. Qui dit relèvement des taux, dit ralentissement du marché immobilier. L’augmentation des mensualités est un frein supplémentaire à l’achat de logement. Le consommateur moyen craint l’augmentation du taux d’intérêt, quelle que soit son ampleur. Il est vrai que les segments luxe et immobilier professionnel ne seront guère affectés. Le point supplémentaire d’intérêt ne devrait pas dissuader la cible de ces produits.

Ce sont les promoteurs de l’immobilier social et moyenne gamme qui subiront plus âprement la hausse des taux. Ils seront obligés de ralentir leur rythme de production face à la baisse fatale de la demande. D’où l’effet boule-de-neige pour l’ensemble des secteurs liés de près ou de loin au bâtiment. Rappelons que le BTP soutient depuis plusieurs années la croissance du PIB.

Les prix de l’immobilier devraient donc mécaniquement baisser. Cela concernera essentiellement les segments où la demande ralentira le plus (habitat social, immobilier moyenne gamme). Même le foncier destiné à ce genre de produit est voué à perdre ne serait-ce qu’une petite partie de sa valeur. Néanmoins, la flambée du haut de gamme n’est pas près de s’estomper. D’autant plus que le foncier dans les centres villes, les quartiers d’affaires et les zones commerciales ne perdra pas de sa valeur.

Qu’est-ce qui explique le retournement de situation sur les marchés financiers de référence? Tout est question de liquidités. Fini le temps des excédents faramineux qui soutenaient le trend baissier des taux durant les sept dernières années. Depuis début 2007, le marché monétaire est rythmé par une insuffisance qui se chiffre actuellement à 12 milliards de DH.

Deux facteurs expliquent cette tendance. D’une part, l’engouement des opérateurs économiques pour les couvertures de risque de changes, provoquant un rachat massif de devises. De l’autre, le relèvement de la réserve obligatoire demandée aux banques suite à l’augmentation de leurs dépôts à vue et la levée des dérogations accordées au CIH et au CAM.

Comme les deux marchés sont liés, l’assèchement de liquidités sur le monétaire a provoqué une baisse des volumes sur l’obligataire. Les transactions du marché secondaire, où sont traités les titres déjà émis, concernaient principalement les titres à court terme. C’est ce qui explique d’ailleurs la hausse de leur valorisation, contre une stagnation des maturités longues.

Face à cet assèchement de liquidités, Bank Al-Maghrib est venue à la rescousse. Rien que pour les trois derniers mois, la banque centrale a injecté 8,6 milliards de DH sur le marché monétaire. Plusieurs autres facteurs exogènes soutiennent le trend haussier des taux obligataires. Il y a d’abord l’accroissement du niveau de liquidités sur le marché intérieur. Des liquidités qui ont besoin d’être placées en bons du Trésor. En plus de l’augmentation de la demande des titres pour couvrir les nouveaux produits d’épargne (OPCVM, formules d’assurances…). Sans oublier la reconversion de la dette extérieure du Trésor vers le marché interne pour optimiser son coût d’endettement. «Une correction à la hausse sur les taux obligataires, qui étaient à leur plus bas historiques, devenait de plus en plus nécessaire», indique Asmae Sentissi, responsable trading obligataire, chez BMCI Gestion.

Il ne faut pas oublier que les taux obligataires ont évolué dans un trend baissier, tout au long de 2006, sous l’effet de mouvements spéculatifs. «La remise en cause des niveaux de taux en début d’année a entraîné des mouvements de ventes sur le marché, ce qui explique la hausse des rendements obligataires. Le mouvement n’est certes pas fini et perdurera jusqu´au niveau d’équilibre entre l’offre et la demande sur le marché», précise Amor. Autre facteur de continuité pour la hausse des taux, les besoins du Trésor pour 2008. L’augmentation des dépenses publiques l’obligera à lever davantage de fonds sur le marché primaire, toutes maturités confondues. Résultat des courses, une augmentation du loyer de l’argent, toutes durées confondues.
De toute façon, il faut attendre le mois prochain pour mesurer l’impact de la hausse. «Les taux des crédits à l’économie de janvier 2008 seront indexés sur la moyenne des taux des bons du Trésor constatés sur le second semestre 2007. Dans le cas actuel, l´ajustement ne concernera que les crédits indexés sur les maturités courtes et moyennes (52 semaines et 5 ans ndlr)», explique Amor. De toute façon, les taux à long terme finiront par être corrigés à la hausse. Tôt ou tard, le Trésor émettra des titres à long terme sur le marché primaire.

Simulation
Pour illustrer l’impact de la hausse des taux d’intérêt, il suffit de la tester sur trois montants de crédit différents. Pour un crédit de 200.000 DH sur 20 ans, destiné généralement à la classe moyenne inférieure, la mensualité passe de 1.372 DH avec un taux de 5,07% à 1.482 DH à 6%. Si on augmente le montant du crédit à 500.000 DH sur la même durée, il faut compter 300 DH de plus (3.418 pour 5,07% et 3.704 pour 6%). Pour 1,2 million de DH, la différence monte à 600 DH. La mensualité de 8.204 DH passe à 8.890 DH.

Nouaïm Sqalli
Source: L'Economiste

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