Menu

Des coupures éléctrique à prévoir cet été sur le Maroc

Les premiers délestages risquent d’arriver plus tôt que prévu! Les températures, actuellement plus élevées que la normale sur le Vieux Continent augurant d’une canicule prochaine, peuvent créer des tensions sur la consommation électrique européenne.L’Office national de l’électricité (ONE) est sur les dents et ne pourra probablement pas compter sur l’interconnexion avec l’Espagne pour s’en sortir.

Surtout que la consommation électrique connaît aussi chez nous des pics en été. L’Office, qui avait annoncé des coupures électricité dès début 2008, pourrait donc s’y prendre plus tôt. Les premiers concernés sont évidemment les grands consommateurs. De l’avis même d’un industriel de la place, les premières coupures pourraient intervenir dès cet été. Si à l’ONE on ne parle pas encore de coupures imminentes, on avoue volontiers avoir déjà approché les grands consommateurs «pour planifier les arrêts de maintenance sur les périodes les plus difficiles». Ceux-ci doivent d’ores et déjà se préparer à gérer de sérieuses contraintes. A quelques mois des premiers délestages, les industriels sont partagés: vive inquiétude chez les uns, sérénité chez les autres. Certains s’apprêtent à revivre le calvaire des coupures programmées d’électricité, alors que d’autres ont misé sur l’autoproduction. Chez l’ONE, c’est le branle-bas de combat depuis déjà plusieurs semaines. Un plan d’action pour la maîtrise de la demande de l’énergie est mis en place à coups de programmes de sensibilisation, de stratégie de «gestion responsable», d’incitation à l’optimisation de l’énergie et autre promotion des énergies renouvelables (cf. www.leconomiste.com). Objectif: éviter la crise de la dernière décennie, réduire au maximum l’impact et réguler l’offre et la demande. Ceux qui ont déjà misé sur l’autoproduction ou la cogénération seront probablement moins touchés par les délestages. C’est le cas de Cosumar par exemple. L’entreprise est en effet parfaitement autonome et produit sa propre électricité, par un procédé complexe de surchauffe de vapeur d’eau préalablement déminéralisée. Plus de 53 millions de KWh ont ainsi été produits et consommés en 2006 par la filiale de l’ONA. «Notre dépendance à la Lydec est minime et limitée au dimanche, pour l’entretien et la maintenance», assure un responsable. Le gestionnaire délégué a en effet facturé à Cosumar 1 million de KWh en 2006, dont le tiers a été consommé en août. La sucrerie compte réduire sa consommation externe à 950.000 KWh cette année grâce notamment à la mise en marche de son unité de production un dimanche sur deux. «Si le problème de délestage peut effectivement affecter d’une manière sérieuse le tissu économique du pays, pour notre part, nous sommes heureusement bien outillées».

Les cimentiers, de leur côté, sont unanimes et parlent de risque de perturbation de l’approvisionnement en ciment, alors que le marché du BTP est en plein boom. Holcim craint un arrêt total ou partiel de son activité de broyage. La profession devra faire face à des dépenses importantes et non planifiées: recours aux groupes électrogènes, accroissement de la capacité instantanée de production et de stockage pour couvrir les arrêts…Ciments du Maroc envisage en plus de décaler les arrêts techniques au mois de juillet, «estimé le plus critique par l’ONE».

La promesse, tant attendue, du gouvernement de relever le seuil de production à 50 MW ainsi que la proposition de l’Office d’en assurer le transport d’un site vers un autre sur le principe du timbre poste (cf.www.leconomiste.com), aideront certainement à réduire la pression. L’électricité représente, en effet, pour les cimentiers, le premier facteur de coûts. A titre d’exemple, la centrale éolienne de Lafarge, premier cimentier à avoir investi l’énergie renouvelable, assure, avec une puissance de 10 MW, une production de 38 millions de KWh par an. Le cimentier produit ainsi la moitié de ses besoins en électricité pour l’usine de Tétouan. Ciments du Maroc de son côté a lancé un chantier similaire à Laâyoune. La centrale sera opérationnelle avant 2008 pour une capacité de 33.000 MWH, soit 12% de sa consommation globale. Cependant, si l’énergie éolienne peut soulager la pression sur la demande électrique, celle-ci ne représente pas à terme une réponse définitive au problème: «Ce type de projet ne permettra pas de pallier la problématique éventuelle d’approvisionnement en électricité car l’énergie éolienne est par essence une énergie -sauvage- et donc non continue», déclare à L’Economiste Rachid Seffar, directeur des Ressources humaines chez Holcim, qui a néanmoins un projet de centrale dans le pipe. Pour Christian Violette, directeur technique de Ciment du Maroc, par contre, l’apport est jugé non négligeable: «La production maximale, avec les vents les plus forts, se situera entre avril et septembre qui coïncide avec les périodes les plus critiques pour la consommation électrique». Chez les textiliens, ce sont les tisseurs et filateurs qui auront à payer le plus, les confectionneurs consommant moins d’électricité. Le premier secteur a connu récemment de gros investissements en amont. Fruit of The Loom, Settavex et d’autres ont misé plusieurs milliards de DH et risquent d’être pénalisés d’une manière ou d’une autre. Karim Tazi, président de l’Association des textiliens (AMITH) prévient: «Il ne faut pas refaire les mêmes erreurs que par le passé (ndlr: delestages des années 90), la crise est là et il faut la gérer de la manière la plus responsable et ne pas focaliser sur la recherche d’un bouc émissaire». Pour lui, l’Etat doit prendre ses responsabilités: «Il n’est pas normal que des industriels, déjà pénalisés par une gestion de l’énergie dont il ne sont pas responsables, aient à investir dans des capacités additionnelles ou des groupes électrogènes et à payer de surcroît des taxes sur le carburant». En effet, ils sont plusieurs à réclamer des compensations pour préjudice et demandent une détaxe sur fioul.

De mauvais souvenirs…
Déficit électrique, délestages, coupures… Que de mauvais souvenirs pour les industriels! La crise du début des années 90 est encore présente dans les mémoires. La situation avait été très mal vécue par les industriels, d’autant plus que les coupures n’étaient pas annoncées à l’avance. Pour y pallier, les opérateurs casablancais avaient eu à débourser pas moins de 30 millions de DH pour l’achat de groupes électrogènes (cf. www.leconomiste.com). D’une manière générale, les coupures provoquent un arrêt de la production et entraînent une baisse de la productivité. Pour certaines industries, une coupure de 30 minutes peut causer un arrêt de travail d’à peu près trois heures. Dans l’industrie chimique et parachimique, les délestages entraînent des pertes assez élevées. Les compositions en cours de préparation sont systématiquement jetées. L’agro-alimentaire souffre du même phénomène. Pour le textile, outre l’arrêt de la production, des défauts de fabrication peuvent survenir si l’incident intervient durant les phases de texturation ou de teinture. Par ailleurs, les arrêts et redémarrages répétés contribuent à la détérioration plus rapide du matériel.

Le bout du tunnel en 2009
LA production d’électricité au Maroc est assurée, actuellement, à environ 50% par la centrale de Jorf Lasfar. De l’avis des spécialistes, les énergies renouvelables ne représenteront, dans un avenir proche, même chez les pays détenant leur technologie, qu’une part très limitée dans le bilan énergétique. Le kWh éolien n’est d’ailleurs pas meilleur marché. Par exemple, la production au charbon à Jorf Lasfar ou l’hydraulique des barrages est moins chère. Rabat qui se fixe pour objectif d’atteindre un taux de pénétration de l’énergie éolienne de 15% en 2020 encourage également l’utilisation du solaire, de l’hydraulique, du thermique ainsi que de la biomasse. Pour sortir de la crise annoncée, l’ONE doit passer à la vitesse supérieure. Les projets dans le pipe à l’horizon 2011 sont les parcs éoliens de Cap Sim et Tanger pour une capacité globale de 750 GW (cf.www.leconomiste.com). La centrale de Béni Mathar (solaire et gaz) pour 470 MW, le complexe hydroélectrique de Tanafit avec un productible annuel de 210GWh et enfin les turbines à gaz à Tant Tan et Mohammédia.

Amine Boushaba
Source: L'Economiste

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com