Distribution. Hanouty, les "pisris" new look

Hanouty, une enseigne qui devrait bouleverser le secteur de la distribution au Maroc. Le concept : une chaîne de 3000 épiceries étendue dans tout le royaume. Une idée qui a déjà fait ses preuves dans l'Hexagone. Au cours des quarante dernières années en France, plus de 190 000 commerces de proximité ont disparu sous le coup de la concurrence de la grande distribution. Toutefois, ces derniers temps, le format supérette de quartier semble revivre une seconde jeunesse, puisque même les grands noms de la distribution française ont accordé quelque 10 000 franchises pour des commerces de proximité. À l'origine de l'adaptation de ce modèle au Maroc, on retrouve le directeur commercial et marketing de Méditel, Moncef Belkhayat. “Il a le commerce dans les gènes, confie un de ses proches. Non seulement il est issu d'une famille de commerçants, mais dès sa deuxième année de l'ISCAE, il a ouvert sa première épicerie à Témara”. Et tout au long de sa carrière, Belkhayat ne s'est jamais éloigné des métiers de la distribution. Avec Procter & Gamble, il a touché de près le commerce de proximité tant au Maroc qu'au Moyen-Orient. La distribution indirecte n'a aucun secret non plus pour l'homme, qui a développé le réseau de revendeurs du deuxième opérateur de téléphonie mobile. Mais pour transformer en réalité son projet d'étudiant, il lui a fallu s'appuyer sur un institutionnel de poids : le groupe Finance.com de Othman Benjelloun. “En visionnaire confirmé, l'homme d'affaires a rapidement saisi tout le potentiel du projet à long terme”, raconte une source proche du dossier. Othman Benjelloun a dû surtout flairer le potentiel de rendement de ce secteur d'activité. Le business-plan réalisé par les analystes de BMCE Capital estime le chiffre d'affaires sur 3 ans à quelque 2,5 milliards de dirhams, excusez du peu ! “Et encore, les hypothèses de départ sont assez prudentes, puisque les 3 000 magasins prévus représentent moins de 3% du nombre des épiceries, estimé au Maroc à quelque 90 000”, assure un cadre impliqué dans le projet.

“Pisri” high tech
Au-delà de l'aspect purement financier, pour les promoteurs du concept, Hanouty est censé rehausser les standards de qualité du petit commerce. “Il s'agit d'allier le commerce 'traditionnel' avec les exigences de la consommation moderne, comme l'affichage des prix, la variété des produits et l'hygiène. Il s'agit également d'introduire de nouveaux services”, explique Abdeljalil Likaïmi, directeur général de Hanouty Shop SA. En effet, bien au-delà des produits de grande consommation (pour ne pas dire d'alimentation générale), Hanouty se positionne comme une plateforme de vente de services. Synergie avec les autres filiales du groupe Finance.com oblige, certains produits de BMCE Bank et de RMA Watanya seront proposés dans ces points de vente, qui assureront également d'autres services comme le paiement de factures téléphoniques. Et la palette devrait évoluer avec le projet. “Nous avons déjà plusieurs idées de produits, que nous allons introduire quand le marché le justifiera”, confie Nadia Alaoui Torrès, directrice marketing de Hanouty Shop SA. Néanmoins, malgré ses allures modernes, Hanouty conserve toutes les recettes gagnantes du commerce de proximité. “Plus qu'une proximité géographique, notre objectif est de conserver la traditionnelle proximité entre le commerçant du quartier et son client”, souligne Nadia Alaoui Torrès. Ainsi, la vente à crédit, principal atout des “pisri” sera conservée, mais en y apportant, là encore, une touche de modernité : au lieu du tas de papier carnet, le client disposera désormais d'une carte monétique. Celle-ci, conçue (évidemment) par la filiale de crédit à la consommation, Salafin, sera d'ailleurs baptisée “Carnet”. “Cette carte est délivrée par le gérant du shop à ses clients. Mais elle n'est valable que dans ce seul magasin. Une autre formule de carte dite 'nomade' permettra, elle, d'effectuer les achats dans n'importe quel point de vente de la chaîne”, explique Abdeljalil Likaïmi.

L'enseigne Hanouty compte aussi tirer une bonne partie de ses revenus des recettes publicitaires. En plus des dépliants et autres supports de communication, l'enseigne introduit la publicité sur le lieu de vente (PLV) sur support audiovisuel. “Les magasins seront dotés d'écrans LCD sur lesquels des spots publicitaires défileront en boucle. Cela permettra à nos fournisseurs, surtout les PME au budget publicitaire limité, d'optimiser au mieux leur plan marketing”, explique Nadia Alaoui Torrès.

Néanmoins, le centre névralgique pour cette nouvelle chaîne de distribution reste la centrale d'achat. à cet effet, une société dénommée 4PML a été récemment créée. “Ce n'est pas uniquement une centrale d'achat, la société se chargera également de tout le volet logistique”, explique Abdeljalil Likaïmi. Elle aura également la tâche d'optimiser le réapprovisionnement des différents points de vente. “La quantité mais aussi la nature des produits étalés devraient être différentes d'un shop à l'autre. Cette sélectivité sera réalisée en fonction de la catégorie de clientèle censée fréquenter les différents points de vente”, explique la directrice marketing. En effet, le système d'information mis en place par Hanouty permet de regrouper toutes les informations nécessaires à cette optimisation grâce à des terminaux de caisse reliés à la centrale d'achat.

Mais on en est encore loin. Aujourd'hui, la centrale s'attelle essentiellement à multiplier les contrats avec les fournisseurs. “Certains fournisseurs partenaires ont vite été emballés par le projet. D'autres, moins enthousiastes, préfèrent attendre le démarrage pour se décider”, raconte le management du groupe. Et les tracasseries de lancement ne s'arrêtent pas là. “Le plus compliqué est de trouver les profils adéquats pour gérer les shops”, assurent les responsables du projet, qui devrait permettre la création à terme de 6000 emplois. Le contournement du handicap du noir lors de l'acquisition des magasins a été aussi un grand souci pour les promoteurs du projet. Mais ce ne sont pas ces paramètres qui décourageront les promoteurs de Hanouty. Ces derniers annoncent déjà la date du 18 avril pour le lancement spectaculaire d'une centaine de points de vente sur l'axe Kénitra - El Jadida. Les “Soussis” de la région n'ont qu'à bien se tenir…



Concept. Une franchise pas comme les autres
Sur les 3000 points de vente que Hanouty envisage de créer, plus de 90% seront des franchises. “Nous comptons sur la création de nouveaux commerces par des entrepreneurs, mais aussi sur la conversion vers nos standards de certains épiciers”, explique la directrice marketing de Hanouty. Mais pour bénéficier de cette franchise, il faudrait respecter un cahier des charges où rien n'est laissé au hasard. “Il sera finalisé le 7 mars, date à laquelle les franchisés intéressés peuvent le retirer, explique Abdeljalil Likaïmi. Ce cahier des charges prévoit les moindres détails. Par exemple, le franchisé s'engage à ne jamais débrancher le courant électrique des réfrigérateurs contenant les produits laitiers”. Le processus d'accréditation du magasin passera par une commission qui examinera la situation et l'état du magasin, avant d'estimer le montant de l'investissement que devrait réaliser le futur franchisé. Un investissement qui inclut, outre les droits d'entrée, le premier approvisionnement du shop mais aussi l'ensemble des aménagements : rayonnage, habillage de la façade, caisse, publiphone, borne Internet et parfois même un guichet bancaire BMCE. Et pour contourner cet obstacle d'investissement, des solutions de financement sont prévues, avec des crédits allant jusqu'à 400 000 dirhams. La véritable innovation de cette franchise reste néanmoins l'inexistence de royalties. “Nous sommes la seule franchise au Maroc qui ne demande pas à ses partenaires des royalties. Bien au contraire, une prime leur est reversée au cas où ils atteindraient les objectifs assignés”, explique fièrement le mangement de Hanouty.

Fahd Iraqi
Source: TelQuel